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La Somnambule entame sa tournée à Clermont-Ferrand

02/02/2022

Opéra-Théâtre, 23 janvier

Cette nouvelle mise en scène de La sonnambula, coproduction entre huit maisons d’opéra (Clermont-Ferrand, Vichy, Avignon, Metz, Reims, Limoges, Massy et Compiègne), a connu, pour sa création, un grand succès.

Francesca Lattuada ne traite pas l’histoire de façon littérale, ni illustrative, considérant que, pour un compositeur (Vincenzo Bellini) et un librettiste (Felice Romani) italiens, ce village suisse est un « ailleurs » fantasmé : elle en exalte l’« inquiétante étrangeté » sur un plateau dont le dépouillement contraste avec l’inventivité des costumes colorés. Quant à l’intrigue, Francesca Lattuada la présente sous un angle onirique, cauchemar ou rêve éveillé, dont elle souligne les incongruités et les nombreuses incohérences.

Ainsi des références récurrentes à l’univers du cirque, comme cette contorsionniste – Lise Pauton – réapparaissant régulièrement, ou Lisa, dont la tenue (cravache en main, costume rouge flamboyant, dos nu et traîne aux écailles de dragon) évoque davantage une dompteuse qu’une aubergiste. L’habit de Rodolfo interpelle aussi, avec ses ailes de papillon et son pantalon rose moulant, soulignant une braguette dorée, tout comme la robe de mariée que porte… Teresa ! Et l’on se demande pourquoi Amina arbore successivement de très longs cheveux roux, puis un crâne rasé, avant de se coiffer, au tableau final, d’une couronne d’épines !

Bref, la production suscite beaucoup d’interrogations chez le spectateur, par ailleurs peu éclairé sur les rapports entre les personnages. Mais sans doute ne faut-il pas trop chercher à comprendre et se laisser porter par les – très belles – images, en goûtant l’excellence de la partie musicale. À commencer par une distribution de haut vol, avec des solistes presque tous lauréats du 27e Concours International de Vichy & Clermont-Ferrand, en juillet 2021 (voir O. M. n° 176 p. 72 d’octobre).

Quel luxe de confier l’épisodique Alessio au baryton-basse canadien Clarke Ruth – qui avait concouru aussi pour Rodolfo –, et Teresa à la mezzo ukrainienne Olga Syniakova, au beau timbre profond ! La basse biélorusse Alexey Birkus incarne un Rodolfo de grand relief, à la voix de bronze et à l’impeccable cantabile. La soprano italienne Francesca Pia Vitale, qui avait postulé pour Amina, est une Lisa de haut vol, au médium fruité et aux suraigus ravissants, couronnant même son second air d’un électrisant contre-mi bémol.

Reste le couple d’amoureux, très difficile à distribuer, au point qu’Elvino a été recruté hors concours. Marco Ciaponi lui prête sa solide présence physique et vocale, avec une virtuosité correcte et des aigus sûrs, quoique émis en force. Le ténor italien délivre un « Tutto è sciolto… Ah ! perché non posso odiarti » intense, mais la ligne manque généralement de souplesse, et de ce chiaroscuro flottant qui fait les grands Elvino.

Quant à Amina, nous avions déjà souligné, lors du Concours, à quel point Julia Muzychenko affichait un instrument extrêmement performant, mais aussi une musicalité encore assez scolaire, notamment dans sa façon d’habiter les mots. Si le personnage manque un peu de fragilité, et son entrée de mystère, la soprano russe fait preuve d’une endurance, d’une maîtrise technique et d’un engagement sans faille. Elle a, de plus, beaucoup progressé dans la scène finale, avec un cantabile bien plus ressenti dans « Ah ! non credea mirarti », et une cabalette plus propre, conclue par un contre-fa toujours fulgurant.

Enfin, la production peut compter sur le soutien indéfectible de Beatrice Venezi, dont la direction respire avec les chanteurs, attentive à ne pas les couvrir. Si elle galvanise les forces de l’Orchestre National d’Auvergne, elle ne peut éviter quelques menus décalages du Chœur de l’Opéra Grand Avignon – qui a, il est vrai, fort à faire sur scène, et s’en montre manifestement ravi.

Un spectacle parfois déconcertant mais de qualité, que l’on pourra applaudir lors des treize représentations programmées dans les théâtres partenaires, jusqu’en mai 2023.

THIERRY GUYENNE


© YANN CABELLO

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