Opéras La Salle Zubin Mehta ouvre à Florence
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La Salle Zubin Mehta ouvre à Florence

15/01/2022

Sala « Zubin Mehta », 23 décembre

À côté du Teatro del Maggio, salle de 1 800 places, dédiée à l’opéra et inaugurée le 21 décembre 2011, la Fondazione Maggio Musicale Fiorentino a toujours envisagé, au sein du même bâtiment, la construction d’un auditorium de 1 100 places, destiné aux concerts. Cette Sala « Zubin Mehta » a ouvert ses portes, le 21 décembre 2021, soit exactement dix ans après le Teatro del Maggio. Au programme du gala d’inauguration, la Messa di Gloria de Puccini et la Symphonie n° 7 de Beethoven, bien évidemment dirigées par le légendaire chef indien, « direttore onorario a vita » de l’institution florentine.

Sauf que la nouvelle salle n’a pas uniquement vocation à accueillir des concerts : l’opéra y aura sa place, comme l’a souligné la nouvelle production de Fidelio, programmée à partir du 23 décembre. Un spectacle confié à Matthias Hartmann, lequel a dû tenir compte de l’absence d’arc scénique et de l’impossibilité de placer, pour l’instant, les musiciens dans la fosse.

La scénographie de Volker Hintermeier se réduit donc à l’orchestre – installé au fond du plateau, derrière les chanteurs –, à une galerie où se trouve le chœur, et à quelques décors : deux toiles latérales, ombrées de la reproduction de l’une des célèbres Prisons imaginaires de Piranèse (1749-1750), deux chaises, un panier rempli de linge, un fil pour l’étendre, et deux petites tours automotrices, servant de mur ou symbolisant, illuminées aux néons, la lumière du soleil qui aveugle les prisonniers, à la fin du premier acte.

Dans les quelques mètres carrés disponibles à l’avant-scène, sur lesquels les lumières de Valerio Tiberi ne laissent aucune empreinte, l’action avance de manière linéaire, entre statisme et respect des didascalies. Matthias Hartmann s’autorise seulement un zeste d’ironie dans la représentation de l’autorité, avec un Don Pizarro, autocrate aux pieds d’argile, et un Don Fernando, cynique manipulateur des masses.

Les deux hommes exercent le pouvoir, mais pas au même niveau. Le premier, hobereau de province, vit entouré d’une bande de coupe-jarrets maladroits, quand le second, politicien tout sourire, qui se déplace avec une escorte d’admiratrices vulgaires, tire profit de la moindre situation lui permettant de mettre en valeur son image. Ainsi du tableau final où, Florestan à peine libéré, il demande aux autres prisonniers de prendre la pose à ses côtés pour la presse, obligeant ces malheureux, que l’on croirait sortis d’un camp de concentration, à se montrer joyeux et photogéniques.

Zubin Mehta, 85 ans, apparaît perceptiblement fatigué sur le plan physique, s’avançant vers le pupitre appuyé sur une canne. Mais Fidelio est l’un des piliers de son répertoire, qu’il pourrait diriger les yeux fermés. Sa lecture est celle d’un Kapellmeister de grande expérience, sans fulgurances particulières, y compris dans les passages qui devraient transporter l’auditeur dans un autre monde, comme le chœur « O welche Lust ! ». Le son est globalement robuste, les tempi solennels, l’Ouverture Leonore III – insérée avant le finale, comme le veut une certaine tradition – scandée avec une énergie déclamatoire.

Sans doute parce qu’il lui faut encore apprivoiser l’acoustique de la nouvelle salle, l’orchestre sonne parfois trop fort, sans que cela empêche les voix de se projeter avec aisance. Surtout celle de Lise Davidsen, par ailleurs d’une rare crédibilité scénique en « Fidelio ».

La soprano norvégienne se joue, avec une facilité sidérante, des écueils techniques de son grand air « Abscheulicher » – soulevant au passage une spectaculaire salve d’applaudissements dans le public – et, de bout en bout, fait preuve d’une audace et d’une exaltation héroïque qui sont exactement celles de Leonore.

Face à une partenaire de ce calibre, le Florestan de Klaus Florian Vogt, d’une solidité et d’une sûreté à toute épreuve, ne peut s’empêcher d’évoquer davantage un jeune premier romantique qu’un homme mûri par les épreuves, prêt à donner sa vie pour défendre ses idéaux. La faute, certainement, à ce timbre clair et cette émission très haut placée qui caractérisent le ténor allemand depuis ses débuts, il y a maintenant vingt-cinq ans.

Franz-Josef Selig souligne tout ce qu’il y a de pacifique et de conciliant dans la figure de Rocco, sans oublier la bonhomie héritée de la basse bouffe d’école italienne. Si Tomasz Konieczny excelle à jouer les « méchants » en Don Pizarro, il ne sacrifie jamais la précision de la ligne vocale. Enfin, Francesca Aspromonte et Luca Bernard campent de brillants Marzelline et Jaquino.

GREGORIO MOPPI


© MAGGIO MUSICALE FIORENTINO/MICHELE MONASTA

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