Opéra, 28 décembre
L’Opéra de Toulon, l’un de ses coproducteurs, accueille la mise en scène de La Périchole, créée au Théâtre des Champs-Élysées, quelques semaines plus tôt (voir plus haut).
Sans revenir sur l’actualisation des dialogues parlés par Agathe Mélinand et la transposition opérée par Laurent Pelly (la Périchole et Piquillo devenus rockers), il faut s’interroger sur un étrange phénomène climatique. En novembre, dans un Paris glaciaire, le public faisait au spectacle un triomphe. Malgré un « Noël au balcon » varois, la salle comble de l’Opéra de Toulon se montre étonnamment froide : peu d’applaudissements, peu de rappels.
Comment ne pas admirer, cependant, l’allant et la poésie que Laurent Campellone, succédant à Marc Minkowski, sait imprimer à l’orchestre maison (en lieu et place de l’ensemble Les Musiciens du Louvre) ? Et comment ne pas saluer la très solide distribution ? Alexandre Duhamel, Don Andrès à la voix de bronze, inquiétant, puis finalement débonnaire dans son inconséquence ; Rodolphe Briand et Lionel Lhote, Ministres à l’inépuisable cocasserie ; le comique Vieux Prisonnier, qu’incarne Eddy Letexier ?
Sans incriminer la « réalisation » de la mise en scène par Paul Higgins, il doit bien s’être passé quelque chose entre Paris et Toulon. En fait, l’agitation nuit au mouvement et à l’émotion. Le désordre, avant l’entracte, occasionne de douloureux décalages avec les chœurs, insensibles aux intentions du chef. Et cette déperdition (dialogues vociférés, condamnés à se perdre dans les cintres, ricanements et gesticulation permanents) entrave les deux protagonistes dans les points les plus difficiles de leur tessiture.
Ainsi, le début de la ballade « Le conquérant dit à la jeune Indienne » ne permet pas à la Périchole d’Antoinette Dennefeld (déjà présente à Paris, en alternance avec Marina Viotti) et au Piquillo de Philippe Talbot (au lieu de Stanislas de Barbeyrac) de donner le meilleur. Leurs personnages tardent à s’imposer et il faut attendre la seconde partie pour ne plus les voir mis en difficulté : « Ma femme, avec tout ça, ma femme… » pour l’un, « Je t’adore, brigand » pour l’autre, sont interprétés finement, avec musicalité.
Comme on interdit aux comédiens de dire, voudrait-on interdire aux chanteurs de chanter ?
PATRICE HENRIOT