Un premier récital au disque à 38 ans, cela pourrait sembler tardif. À l’écoute, celui de Vannina Santoni, gravé en septembre 2023, donne plutôt l’impression de venir à point, après quinze années de carrière.
Intitulé Par amour et paraissant le jour de la -Saint-Valentin, ce programme d’airs d’opéras italiens et français de la fin du XIXe et du début du XXe siècle explore diverses facettes de l’amour, à travers des héroïnes déjà incarnées à la scène (Juliette, Manon, Lauretta) ou espérées prochainement (Thaïs, Desdemona), sans oublier quelques « tubes » du répertoire.
On réécoutera souvent la première plage du disque, tant cet air de la très rare Risurrezione d’Alfano expose les précieuses qualités de la chanteuse : beauté d’un timbre de soprano lyrique qui a su acquérir un certain poids dans le médium et le grave sans perdre sa fraîcheur ni sa luminosité dans l’aigu, technique parfaitement saine, le tout couronné par une sincérité et une simplicité d’incarnation qui font mouche. La comparaison avec la grandiloquence d’une Magda Olivero dans ce même air est parlante !
À dire vrai, c’est tout au long qu’on s’émerveille de voir chaque personnage si justement caractérisé, sans rien de convenu, dans sa jeunesse et sa passion, avec un parfait naturel. De ce chant frémissant mais toujours de haute tenue, on admire la qualité du legato, la finesse des attaques, l’art du portamento, les pianissimi splendides mais jamais complaisants, et, plus généralement, le refus de forcer ses moyens et de grossir les effets par des aigus élargis à l’excès ou graves poitrinés à outrance.
Dans le répertoire français, Manon s’impose avec évidence, tant dans un « Adieu, notre -petite table » tout de pudeur que dans un « Duo de -Saint-Sulpice » à l’érotisme ravageur, aux côtés d’un Julien Dran fébrile, dont le chant svelte s’accorde à merveille au sien : vivement leurs premiers Faust et Marguerite ensemble, à Lille et à Paris ce printemps ! Dans sa sensualité ne cédant jamais à l’éclat tapageur, ni même au contre-ré final optionnel, Thaïs semble ici la grande sœur de Manon. Enfin, la « Valse de Juliette » est enlevée avec fougue, même si les vocalises de la fin semblent moins faciles qu’autrefois : peut-être, à ce stade de carrière, l’air du « Poison » eût-il été plus probant.
Chez les Italiens, applaudissons d’exquis Puccini (un « O mio babbino caro » dont l’exagération enjôleuse est sensible comme jamais, un délicat « Se come voi » de Le Villi), une Desdemona intime et juvénile, et une Wally (« Ebben ? Ne andrò lontana ») d’une touchante sobriété. La tendre berceuse « O -ciuciarella » -d’Henri Tomasi, hommage aux origines corses de la chanteuse, clôt merveilleusement ce superbe parcours, dont la direction aussi raffinée qu’attentive à chaque ambiance de -Jean-Marie Zeitouni n’est pas le moindre atout.
1 CD Alpha Classics ALPHA 1118
THIERRY GUYENNE