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La Ferme des animaux devient opéra à Amsterdam

31/03/2023
© Dutch National Opera/Ruth Walz

De Nationale Opera, 10 mars

Damiano Michieletto rêvait de mettre en scène une adaptation lyrique d’Animal Farm (La Ferme des animaux), et Sophie de Lint voulait commander un nouvel opéra à Alexander Raskatov (né en 1953). La directrice du DNO a organisé la rencontre, l’étincelle a été immédiate, et l’ouvrage est né.

Réalisé avec le concours d’Ian Burton (dramaturge régulier de Robert Carsen, notamment), le livret du compositeur russe est en anglais, non seulement parce que c’est la langue originale du roman de George Orwell (1945), mais aussi parce que Palerme, Vienne et Helsinki coproduisent le spectacle.

D’une durée de deux heures environ, la partition est une sorte de mouvement perpétuel, un extraordinaire kaléidoscope d’évocations et de références, polytonal et polyrythmique, virtuose dans son écriture et dans son interprétation, tant pour les instrumentistes que pour les chanteurs (solistes et chœurs).

Alexander Raskatov dit avoir voulu conférer à l’opéra trois caractéristiques qui ont la lettre « E » en commun : énergique, excentrique et extravagant. Effectivement, dès la première scène, on est plongé dans l’intensité des confrontations entre les fermiers, puis entre les animaux, comme si le rideau s’était ouvert sur une action déjà en cours ; il tombera, semblablement, en laissant l’impression que tout continue encore.

Chaque groupe d’animaux a sa couleur instrumentale, mais sans qu’il s’agisse d’évocations de leur cri au sens littéral. Les chœurs interviennent de façon déterminante, et les vocalités individuelles vont du jazz aux postures opératiques traditionnelles.

Ainsi, le rôle de la jument Mollie est confié à la soprano colorature américaine Holly Flack, et il y a un duo très belcantiste entre les cochons Pigetta (la victime) et Squealer (le bourreau), en passant par une sorte de hoquet. Forcément, un tel souci frénétique de mouvement ne laisse pas de place à un véritable lyrisme, pas plus que le livret, d’ailleurs.

Dirigé, avec une impressionnante maîtrise, par le chef libano-polonais Bassem Akiki, l’orchestre (Nederlands Kamerorkest) comprend, outre les forces habituelles, six percussionnistes, un piano, un célesta, qui distille quelques rares moments de grâce, un cymbalum, deux saxophones, une basse et une guitare électrique.

De quoi raconter, sans le moindre temps mort, comment le rêve de liberté et d’égalité peut se transformer en totalitarisme – Alexander Raskatov rappelle, dans le programme de salle, que le roman d’Orwell n’est pas plus accessible dans la Russie de Vladimir Poutine qu’il ne le fut dans l’URSS d’hier.

Damiano Michieletto met en scène cette implacable folie, avec une efficacité égale à celle du compositeur, l’idée de transposer l’action dans un abattoir rendant la fable plus cruelle encore. Comme la partition, décors, costumes et lumières frisent parfois la surcharge, mais la démonstration est éclatante.

NICOLAS BLANMONT


© Dutch National Opera/Ruth Walz

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