Teatro Rossini, 20 août
Unique production scénique de l’année Covid, La cambiale di matrimonio avait été vue par un public très restreint et méritait à coup sûr d’être reprise. La mise en scène de Laurence Dale, classique mais pleine de fantaisie, installe l’action dans une Angleterre contemporaine de l’œuvre, dans un décor au style et aux couleurs plus « british » que nature où les personnages sont croqués de façon savoureuse, offrant un bon rythme théâtral à la première « farsa » d’un Rossini de 18 ans. Elle est bien servie par une excellente distribution entièrement renouvelée que domine le Tobia Mill de Pietro Spagnoli, dont la faconde et la rondeur bonhomme conviennent idéalement au personnage. Le Slook superbement timbré de Mattia Olivieri lui offre un pendant remarquablement réussi, très convaincant dans son rôle d’homme des bois sans façons mais plein de délicatesse, auquel il prête une silhouette juvénile, à rebours du personnage. Paola Leoci offre à Fannì son soprano léger au timbre plein et à la technique d’une grande sûreté qui se déploie avec bonheur dans les vocalises de son grand air d’exultation et où se reconnaît l’école que lui a transmise sa professeure, Mariella Devia. Citons encore la délicate Clarine d’Inés Lorans, charmante dans son petit air de sorbet, et le Norton efficace de Ramiro Maturana.
Il n’est pas sûr qu’il était besoin de déplacer Jack Swanson spécialement pour Milfort, un rôle plutôt épisodique qu’aurait aussi bien pu assurer le ténor de la première partie. En effet, remplaçant en lever de rideau la cantate Giovanna d’Arco de 2020, c’est une version des Soirées musicales orchestrée avec un sens très piquant du coloris par Fabio Maestri qui ouvre la représentation. Le jeune ténor Paolo Nevi, déjà remarqué dans Zelmira, y captive par cette belle voix centrale, un sens de l’ornement très raffiné et une caractérisation très subtile de chacune de ses mélodies. Sa partenaire Vittoriana De Amicis ne démérite pas, mais avec un timbre assez ordinaire et des aigus métalliques, elle n’apporte pas la même séduction à sa partie. Ils sont rejoints pour les duos par le baryton Gurgen Baveyan et la mezzo Andrea Niño.
Christopher Franklin dirige avec toute la vivacité voulue la Filarmonica Gioachino Rossini dans l’opéra comme dans les mélodies. Malgré le beau succès de cette double affiche, alors que la banderole qui accueillait le Canadien Slook à son arrivée d’un « Benvenuti ai stranieri » (bienvenue aux étrangers !), une allusion bien trouvée à une certaine actualité européenne qui ne manquait pas de faire sourire, le drapeau palestinien qui descend des cintres au finale est loin de faire l’unanimité et provoque quelques huées au milieu des applaudissements chaleureux.
ALFRED CARON
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