CD / DVD / Livres Karine Deshayes & Delphine Haidan : S...
CD / DVD / Livres

Karine Deshayes & Delphine Haidan : Sisters

16/09/2025

1 CD NoMadMusic NMM118

Sœurs, Karine Deshayes et Delphine Haidan le sont, d’une certaine façon, par la tessiture, toutes deux mezzo-soprano, mais tandis que la première flirte avec les rôles de soprano dramatique d’agilité, la seconde reste dans ceux réclamant un grave profond de quasi contralto. Pour ce récital, version discographique d’un concert donné en 2022 à Avignon, elles ont choisi de se rencontrer sur le répertoire de deux véritables sœurs qui, du reste, ne chantèrent guère ensemble, les filles de Manuel García : la légendaire Maria Malibran et la grande Pauline Viardot, sa cadette, cantatrice, compositrice et inspiratrice de nombreux compositeurs, de Berlioz à Saint-Saëns en passant par Brahms.

Dans les cinq duos qui les réunissent, trois de Rossini (La donna del lago, Elisabetta, Semiramide), Les Troyens à Carthage, et le délicieux bis hispanisant, « El Desichado », un boléro très rossinien de Saint-Saëns, leurs voix s’unissent et se complètent avec bonheur, avec une petite réserve sur le deuxième Rossini où elles paraissent trop proches, et où elles auraient pu échanger les rôles sans dommage. On regrette dans le Berlioz une articulation à la limite du compréhensible, surtout chez la seconde, mais cela est hélas vrai aussi dans les deux autres airs solistes en français du programme, Le Dernier Sorcier et la belle mélodie « Dans les plaines de Géorgie », toutes deux de Viardot, qui restent à peu près incompréhensibles.

Il revient à Karine Deshayes de défendre le seul air du programme vraiment issu du répertoire de la Malibran, cette version « napolitaine » des Puritani que Bellini adapta pour elle mais qu’elle ne chanta jamais, la partition restant bloquée à Marseille par une épidémie de choléra. Son art de la colorature y brille de mille feux, comme dans toutes les parties virtuoses du programme, où elle fait montre d’un sens aigu de la vocalise et de la variation. Celle de Delphine Haidan, dont le timbre sombre offre un beau contraste avec celui de sa collègue et lui prodigue un soutien efficient, paraît parfois un peu lourde pour la vocalise rapide, ce qui est particulièrement sensible dans le duo de Semiramide.

Les chanteuses se partagent l’Orphée de Gluck dans la version Berlioz avec, pour Karine Deshayes, le redoutable « Amour, viens rendre à mon âme » et sa cadence d’une incroyable étendue écrite justement par Viardot et, pour Delphine Haidan, « J’ai perdu mon Eurydice », qui reste un peu trop extérieur, ce dont on accusera la direction certes précise mais un peu mécanique de Débora Waldman. La cheffe, à la tête de l’Orchestre National Avignon-Provence, défend avec brio l’ouverture de l’Otello de Rossini et surtout celle, spectaculaire, du Fausto de Louise Bertin, ainsi que deux extraits symphoniques du Mazeppa de Clémence de Grandval, à la couleur résolument slave mais à l’inspiration assez anodine.

On l’aura compris, ce CD un peu éclectique se veut féminin, voire féministe, ce qui explique en partie son titre et que confirme une équipe technique également entièrement féminine, n’était un assistant et l’arrangeur de la mélodie de Viardot, une des pièces les plus rares d’un programme agréable dans sa variété.

ALFRED CARON

Rossini – Viardot – Gluck – Berlioz – Bertin – Bellini – Granvdal – Saint-Saëns

Orchestre National Avignon-Provence, dir. Débora Waldman

1 CD NoMadMusic NMM118

Pour aller plus loin dans la lecture

CD / DVD / Livres Jonas Kaufmann : Doppelgänger

Jonas Kaufmann : Doppelgänger

CD / DVD / Livres Piramo e Tisbe de Hasse

Piramo e Tisbe de Hasse

CD / DVD / Livres Castor et Pollux par György Vashegyi

Castor et Pollux par György Vashegyi