Eden
1 CD Erato 0190296465154
La photo de couverture du nouveau disque de Joyce DiDonato, enregistré en studio, en août-septembre 2021, montre la mezzo-soprano américaine dans un état de sidération illuminé (et sursaturé). Le texte par lequel elle le présente le confirme : tant le ton et le vocabulaire qu’elle emprunte touchent au New Age, au Well-Being, entre autres introspections personnelles et cosmiques.
La voici, en période de pandémie, plaçant sa « confiance dans l’équilibre parfait, le stupéfiant mystère et la puissante boussole du monde musical », et définissant ce programme comme « une partie intégrante de cette traversée en quête de questions ». Joyce conclut en en posant une, et en corps gras : « En ces temps de tourmente, quelle graine planterez-vous aujourd’hui ? »
On préfère éluder, et écouter plutôt. Mais cela commence assez mal, avec une version de The Unanswered Question (La Question sans réponse, 1908), l’œuvre mythique et comme hors du monde terrestre de Charles Ives, où Joyce DiDonato chante le fameux solo de… trompette. La chose s’enchaîne à l’œuvre doucereuse de la compositrice britannique de musique de film Rachel Portman (née en 1960), The First Morning of the World (2021), pour voix et orchestre de chambre – dont c’est le premier enregistrement mondial.
La suite ? Une sorte de buffet garni, dans lequel les concepteurs de l’album ont puisé les ingrédients de cette fricassée. Laquelle fait se suivre, avec une nécessité moins organique que thématique, des musiques – tantôt rares, tantôt rabâchées – d’époques diverses. Parmi celles-ci, des pièces vocales et instrumentales des XVIIe et XVIIIe siècles, un extrait des Rückert-Lieder de Mahler (Ich bin der Welt abhanden gekommen) et un des Wesendonck-Lieder de Wagner (Schmerzen), pris en club-sandwich entre deux tranches haendéliennes.
Joyce DiDonato est égale à elle-même : la voix est splendide, le style parfois incertain (Haendel). L’accompagnement de l’ensemble Il Pomo d’Oro, sous la direction de son chef principal Maxim Emelyanychev, est parfait. Mais le tout au service d’un programme faussement artiste et véritablement kitsch.
RENAUD MACHART