La Grange au Lac, 1er juillet
Depuis son premier récital discographique, simplement baptisé Aida et sorti en 2017 (Decca), on sait qu’Aida Garifullina affectionne les programmes façon « pot-pourri ». Celui conçu pour son apparition – accueillie par un triomphe aux saluts – aux « Rencontres Musicales » d’Évian explose tous les records en la matière, avec un choix de morceaux dépourvu de la moindre cohérence, pour un résultat inévitablement inégal.
Les atouts de la cantatrice russe n’ont pas changé depuis sa victoire au Concours « Operalia », il y a exactement dix ans : une très jolie voix de pur soprano lyrique ; un aigu facile et lumineux ; un physique ravissant, mis en valeur, ici, par deux robes à la coupe pour le moins audacieuse. Tout juste note-t-on que l’instrument a gagné en richesse et en puissance dans le médium, le grave restant, en revanche, un peu faible.
Les clés d’interprétation sont également les mêmes, se résumant à un charme mutin et enjôleur, déplacé indifféremment de Schubert à Massenet, Rimski-Korsakov ou Carlos Gardel. La recette fonctionne dans le « Chant à la lune » de Rusalka et dans toutes les pièces russes : l’air de la Reine de Chemakha (Le Coq d’or), celui de l’Invité indien, écrit à l’origine pour ténor (Sadko), l’arioso de Iolantha, les deux romances de Rachmaninov et Tchaïkovski. Surtout, elle permet à Aida Garifullina de délivrer, en premier bis, l’un des plus naïvement séducteurs « O mio babbino caro » (Gianni Schicchi), dont nous ayons gardé le souvenir.
En revanche, le manque de préparation musicale, linguistique et stylistique est fatal à la « zarzuela » (El barbero de Sevilla de Gimenez), la mélodie française (Élégie de Massenet, Les Filles de Cadix de Delibes) et l’Ave Maria de Schubert, inexplicablement chanté dans sa transcription latine, alors que le compositeur l’a expressément conçu sous forme de lied, en allemand. Sans parler de Carmen (la « Habanera ») et Tosca (« Vissi d’arte »), où l’inadéquation vocale vient s’ajouter aux handicaps précités.
Imperturbable, l’excellent Maciej Pikulski donne le meilleur de lui-même, en s’adaptant aussi bien que possible aux idiosyncrasies de la vedette de la soirée. On lui doit, dans tous les cas, l’un des sommets du récital : la longue et splendide Paraphrase de concert sur Rigoletto de Liszt.
Un mot, pour finir, du rendu acoustique de la salle, absolument parfait dans cette configuration voix/piano.
Richard Martet