Opéras Giulio Cesare pour les voix à Cologne
Opéras

Giulio Cesare pour les voix à Cologne

09/06/2023
© Karl & Monika Forster

Staatenhaus, 10 mai

Cette nouvelle production de Giulio Cesare, à l’Opéra de Cologne (Oper Köln), a été confiée au metteur en scène français Vincent Boussard. Les décors de Frank Philipp Schlössmann sont réduits à leur plus simple expression : un grand plateau vide que viennent moduler des panneaux coulissants, qui occultent des espaces ou créent des symétries.

Pour le reste, on admire les superbes lumières d’Andreas Grüter, ainsi que les projections de Nicolas Hurtevent, sortes de nuages ouatés à l’encre de Chine – à moins qu’il ne s’agisse de tests de Rorschach ? Le tout pourrait sembler un peu passe-partout, s’il n’y avait, çà et là, quelques petites pyramides en carton, pour une bouffée d’exotisme au second degré.

Passe-partout encore, les costumes raffinés de Christian Lacroix, qui partent d’un XVIIIe siècle sublimé et y reviennent finalement, après un détour par le monde d’aujourd’hui (Cleopatra en tailleur pantalon), ainsi que le choix de la comédie la plus plate, avec un Tolomeo bouffon, portant une robe de chambre ouverte sur une cuirasse de plastique nu, qui laisse apparaître un sexe flasque et pendant.

Cleopatra est flanquée d’un double, silencieux mais inutile ; on croise aussi quelques autres figurantes, et le tout laisse l’impression d’images déjà vues. La soirée se déroule, par ailleurs, comme une suite de numéros que les interprètes viennent chanter à la rampe, face à la salle, en ne cherchant que rarement à donner l’impression qu’ils forment une équipe.

Ruben Dubrovsky, qui laisse des silences après chaque intervention soliste plutôt que d’enchaîner, encourage, évidemment, les applaudissements quasi automatiques qui ponctuent scrupuleusement chaque air. Du coup, la représentation manque de tension dramatique. Pour le reste, la direction décontractée du chef argentin force la sympathie, même si des instruments modernes (Gürzenich-Orchester Köln), certes joués dans une rhétorique baroque, ne sont pas nécessairement la garantie d’une plus grande justesse, comme en témoigne la périlleuse partie de cor dans « Va tacito e nascosto ».

Le meilleur de la soirée réside, au bout du compte, dans une distribution assez convaincante. Le projet global revendique une dimension dégenrée, en confiant le rôle-titre, selon les représentations, à une mezzo-soprano ou un contre-ténor : ce soir, Sonja Runje cède ainsi la place à Raffaele Pe, voix riche en couleurs et en effets, très expressive dans les airs, mais aussi dans les récitatifs.

La soprano italienne Giulia Montanari offre une Cleopatra virtuose, le plus souvent brillante, mais non exempte de quelques fragilités, tandis que la contralto Sonia Prina, sa compatriote, réussit à incarner Tolomeo de façon vocalement souveraine, malgré l’apparence scénique peu flatteuse déjà évoquée. Très belle Cornelia de la mezzo colombienne Adriana Bastidas-Gamboa, accompagnée du séduisant Sesto de la soprano allemande Anna Lucia Richter, fût-ce parfois au prix de quelques stridences (« L’angue offeso »).

Nicolas Blanmont


© Karl & Monika Forster

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