Théâtre du Capitole, 25 février
Ce Giulio Cesare nous avait peu convaincu lors de sa création à Paris, en mai 2022 au TCE (voir O. M. n° 184 p. 55 de juillet-août 2022). Venant, il est vrai, après deux autres Haendel (Orlando au Châtelet, Semele au TCE) au concept bancal, la lecture de Damiano Michieletto nous frappe aujourd’hui bien davantage par sa cohérence : malgré des symboles très appuyés (omniprésence des Parques avec leurs fils rouges, du fantôme de Pompée – désormais statufié non plus nu, mais en slip ! – et des futurs assassins de Cesare), enjeux, situations et personnages sont rendus avec une parfaite clarté.
La direction de Christophe Rousset, construite, équilibrée, organique, est pour beaucoup dans cette réussite, trouvant l’affect spécifique de chaque air, sachant faire chanter les magiques instruments obligés (cor du « Va tacito », violon du « Se in fiorito ameno prato », basson dans « Se pietà »), et tendre le grand arc dramatique, bien mieux que Philippe Jaroussky à Paris, qui, à force de transpositions plus hautes (pour Cleopatra et Cesare) et de complaisantes variations et cadences (sur-)aiguës, finissait par dénaturer l’ouvrage dans le rapport des tessitures.
Prévue d’abord en Cornelia, puis promue en Cesare à la suite du retrait d’Elizabeth DeShong peu avant le début des répétitions, Rose Naggar-Tremblay fait valoir un vrai et beau contralto, aussi à l’aise dans la colorature que dans les moments plus méditatifs. Avec une superbe messa di voce initiale, « Aure, deh, per pietà » est le moment le plus remarquable du spectacle. Nous aimons moins Claudia Pavone, soprano léger au médium assez riche, mais dont le style très générique (variations erratiques), la virtuosité déficiente et une justesse problématique dessinent une Cleopatra bien ordinaire.
Nireno poids plume, William Shelton s’égosille un peu dans son air, tandis que Nils Wanderer, avec un aigu et un grave poitriné assez puissants, mais au milieu un gros trou, tire Tolomeo vers le grotesque. À l’applaudimètre, se distinguent Irina Sherazadishvili, Cornelia prenante par une voix puissante au timbre très personnel, avec des registres très marqués et quelques écarts de justesse, et Key’mon Murrah, étonnant sopraniste au grave corsé et aux divins aigus pianissimi. Dommage qu’il abuse de suraigus dans les cadences, et que leur duo « Son nata a lagrimar » les trouve si mal appariés, de timbre comme de style. Enfin, en remplacement de toute dernière minute, Joan Martín-Royo confère à Achilla une belle autorité par son baryton mordant et viril.
THIERRY GUYENNE