Opéras Frustrante Katia Kabanova à Lyon
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Frustrante Katia Kabanova à Lyon

05/05/2023
© Jean-Louis Fernandez

Opéra, 28 avril

Une massive structure orthogonale de béton, posée frontalement sur le plateau, sur toute la hauteur de la scène, et en division tripartite, sur la hauteur et la largeur, pour autant de cases autour de la partie centrale, où trouve place l’escalier, éclairé par une verrière continue, dont l’éclairage ne cessera de gêner.

Dans cet appareillage très lourd, qui pèse terriblement sur l’ensemble, Barbara Wysocka a suivi pour concept l’évocation d’un pays post-soviétique et de son misérabilisme. C’était repartir sur les bases de la célèbre production de Christoph Marthaler, qui avait marqué « l’ère Mortier », au Festival de Salzbourg, à l’été 1998 (en DVD chez TDK).

Pour autant, celle-ci développait une reconstitution d’un réalisme fascinant, composant un univers mental puissant, pour évoquer le parcours tragique et l’aliénation progressive de l’héroïne. Rien de tel ici, sur un schéma en boucle qui présente, en ouverture, l’ensevelissement de la suicidée sur laquelle l’œuvre conclura, après un parcours durement comprimé dans ces espaces réduits – et où la magique Volga se réduit au bruit de la chasse d’eau actionnée par Katia, dans la salle de bains du second étage !

On a vu souvent les problèmes que pose ce type de décor, avec la nécessité de meubler plus ou moins judicieusement les cases, ce qui est précisément le cas. Particulièrement avec cette cage d’escalier centrale, difficile à occuper et qui se révèle particulièrement inopportune pour la grande scène d’orage, qui marque un des points culminants de l’œuvre et que ne parvient guère à évoquer la population réunie sur ses marches.

Conséquence néfaste encore, avec ce placement de Katia à une fenêtre du second étage, en compagnie de Varvara, pour la longue scène du second tableau du I, qui en devient terriblement statique, simple récital de chant face à la salle. Alors que les deux cantatrices constituent les meilleurs atouts de la production.

En Katia, la soprano américaine Corinne Winters qui, avec la souplesse de la flamme et la fragilité de l’eau vive, sauvait de son parti forcé d’ascétisme la production de Barrie Kosky, au Festival de Salzbourg, à l’été 2022 (voir O. M. n° 186 p. 58 d’octobre), est privée de ses principales ressources scéniques, nonobstant la toujours merveilleuse transparence de la voix. À l’instar de la jeune mezzo croate Ena Pongrac, très charmeuse Varvara.

À côté du solide Tikhon d’Oliver Johnston, du percutant Koudriach de Benjamin Hulett, déjà présent à Salzbourg, en 2022, et du brillant Boris d’Adam Smith, qu’une direction d’acteurs plus poussée aurait pu rendre encore plus attachant, évoluent deux respectables vétérans. On louera, surtout, les talents toujours bien présents d’acteur de Willard White, qu’on a souvent admiré à ce titre, mais qui, malheureusement, se trouve réduit à parler pratiquement le rôle de Dikoï, tandis que Natascha Petrinsky, poitrinant à l’excès une voix toujours puissante, peut s’admettre dans la personnalité diabolique de Kabanicha.

À la tête d’impeccables Chœurs et Orchestre de l’Opéra de Lyon, Elena Schwarz assure une parfaite mise en place, mais avec des lourdeurs et un manque de transparence qui ne correspondent que trop à la massivité de la scène.

La même équipe de production a été renouvelée de confiance pour La fanciulla del West, annoncée pour mars 2024 : souhaitons-lui meilleure réussite que pour cette très frustrante Katia Kabanova.

FRANÇOIS LEHEL


© Jean-Louis Fernandez

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