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Faust fête les 60 ans de l’Opéra de Limoges

31/03/2023
© Opéra de Limoges/Steve Barek

Opéra, 15 mars

Pour son 60e anniversaire, l’Opéra de Limoges, inauguré le 17 mars 1963, propose une nouvelle production du chef-d’œuvre de Gounod, avec une distribution qui réunit l’excellence du chant hexagonal.

Sous la baguette de Pavel Baleff, l’Orchestre de l’Opéra de Limoges s’affirme comme une formation de premier plan. Dans des tempi justes, jamais pressés, jamais lourds, la battue de son nouveau chef principal et directeur musical associé se révèle sobre, lyrique. Le Chœur, préparé par Arlinda Roux Majollari, sonne superbement : l’entrain des coquettes et des matrones, la joie des étudiants, le retour des soldats ont l’urgence requise.

En débuts dans le rôle-titre, Julien Dran donne un modèle de beau chant français, à la diction impeccable, au phrasé élégant. Il conduit sa « Cavatine » à un son filé sur le contre-ut d’« où se devine la présence », fait preuve de tendresse dans le duo d’amour et de vaillance dans le trio final.

Gabrielle Philiponet joue et chante Marguerite dans le raffinement de son soprano lyrique. L’air « des bijoux », puis celui « de la chambre », lui permettent de ménager une évolution vers la rédemption. Eléonore Pancrazi, exquise dans son rôle de jeune homme épris, mais non pas niais (« Je ne suis qu’un enfant, mais j’ai le cœur d’un homme », affirme Siébel, au IV), ravit dans ses « Couplets ».

En Méphisto, Nicolas Cavallier n’a pas de rival. Sa prestance vocale et scénique, son humour, son détachement ironique rendent pleine justice à l’œuvre, qui se situe à mi-chemin entre le « grand opéra » et l’« opéra-comique ». La « Ronde du Veau d’or », la « Sérénade » et tous les ensembles constituent des morceaux d’anthologie.

Anas Séguin, Valentin juvénile et sonore, reçoit un accueil chaleureux pour son « Invocation » et sa « Mort ». Marie-Ange Todorovitch offre une Marthe de fine comédie et d’habile musicalité, et Thibault de Damas, un sombre Wagner.

Tout devrait donc enthousiasmer, dans les sobres décors de Fabien Teigné, les riches costumes intemporels d’Hervé Poeydemenge, les lumières fulgurantes de Ludovic Pannetier. Or, il n’en est (presque) rien. Les chorégraphes Claude Brumachon et Benjamin Lamarche, devenus ici metteurs en scène, expliquent pourquoi. Chaque personnage est divisé, schizé, et son double est « un autre corps dansant », l’alter ego s’enroulant à ses pieds ou se laissant soulever par lui – comment ne pas applaudir l’exploit olympique de Nicolas Cavallier, qui doit porter sur son dos un double frénétique, à la tenue de gladiateur ?

Une objection de détail et une question de fond s’imposent : Valentin ne fait-il pas exception, n’est-il pas le type même du personnage caractériel « tout d’une pièce » ? Et si tout est chorégraphié, comment distinguer les moments et mouvements explicitement dédiés à la danse : la « Valse » du II, lors de la kermesse, et le « Ballet » du V, pendant la Nuit de Walpurgis ?

Quand bien même on n’admettrait plus l’opposition fondamentale entre le danseur muet et le chanteur immobile (analysée par le philosophe Alain et par Paul Valéry), ne doit-on pas faire confiance à des chanteurs-acteurs modernes, capables de bouger et de danser, puisque tel est le cas avec le Chœur de l’Opéra de Limoges, et avec l’admirable distribution réunie ?

Les doubles de Faust (Steven Chotard), de Marguerite (Elisabetta Gareri), de Méphisto (Martin Mauriès) dansent (?) « une autre gestuelle », sans rapport explicite avec les phrases chantées, ni avec les mouvements des chanteurs. Peut-être racontent-ils une autre histoire.

Le premier tableau, pourtant, ne manquait pas de puissance symbolique : dans le cabinet de travail du vieux savant, revenu de tout et revêtu de noir, des feuilles tombaient des cintres et venaient joncher le sol. Les notes d’intention dont l’Enfer est pavé.

PATRICE HENRIOT


© Opéra de Limoges/Steve Barek

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