Crosby Theatre, 16 août
Malgré quelques points positifs, le nouveau Falstaff du Santa Fe Opera, coproduit avec le Scottish Opera, ne soulève pas l’enthousiasme. Certes, son décor (un assemblage de paliers et d’escaliers de bois) et ses somptueux costumes d’époque, signés David McVicar, sont agréables à regarder. Mais la mise en scène du même, hormis quelques trouvailles bienvenues (Meg tombant sur Falstaff dans le panier, à la fin de l’acte II), pèche par excès.
Dès le départ, le ton est donné quand Pistola sort du lit, en compagnie d’une accorte fille d’auberge, évidemment absente du livret de Boito. On la retrouvera à la fin de la première partie du I, venant combler les besoins sexuels de Falstaff, puis, au III, virevoltant autour du plateau, complètement ivre, après avoir avalé une gorgée du vin chaud préparé pour ce dernier. Pourquoi ?
On se demande aussi ce que viennent faire, à chaque finale d’acte, ces figurants hyperactifs, sinon distraire l’attention du spectateur de l’action principale et de la musique… Et ces cris et exclamations, absents de la partition ? Le dénouement, au cœur de la forêt de Windsor, perd toute lisibilité, asphyxié sous l’abondance de figures de pantomime caracolant dans tous les sens et de références picturales (Jérôme Bosch, John Tenniel…).
Le Falstaff de Quinn Kelsey ne manque pas d’atouts : voix sonore, timbre agréable, émission facile. Mais ils s’exercent au détriment de la caractérisation, trop appliquée et restant très souvent à la surface du texte. Le baryton américain joue plus qu’il n’habite le personnage, sans en traduire suffisamment la déchéance physique et sociale. Pour l’instant, du moins, car on sait de quoi cet artiste intelligent est capable, en termes d’approfondissement d’un rôle (voir ses incarnations successives de Rigoletto !).
Le baryton britannique Roland Wood marque moins les esprits en Ford. Également engagé comme doublure pour Kurwenal, dans Tristan und Isolde (voir plus loin), il déploie un instrument aussi dépourvu de chaleur et de flexibilité que sa présence scénique.
Le reste de la distribution est américain. Remplaçant Alexandra LoBianco, les 16 et 25 août, Teresa Perrotta, stagiaire du programme de formation du Festival, maîtrise sans problème tous les aspects d’Alice. On a envie de réentendre cette souple et ravissante voix de lirico.
En pleine ascension dans la carrière, Elena Villalon et Eric Ferring forment un couple Nannetta/Fenton parfaitement plausible, avec une mention pour la soprano, qui réussit à flotter les aigus de son air (« Sul fil d’un soffio etesio »), sans se laisser distraire par l’agitation organisée autour d’elle par David McVicar.
Ann McMahon Quintero connaît bien le rôle de Mrs. Quickly et sait en traduire la drôlerie. La voix, malheureusement, n’a pas la projection suffisante pour passer la rampe dans un auditorium aussi vaste que le Crosby Theatre.
Pleine d’entrain, la Meg de Megan Marino se distingue par ses qualités de diction, supérieures à celles de ses partenaires. Quant à Scott Conner, bien connu en France (Elena de Cavalli, à Aix-en-Provence, Eliogabalo du même, à l’Opéra National de Paris, Lucia di Lammermoor, à Lille…), il campe un Pistola de luxe.
Reprenant la baguette des mains de Paul Daniel, en charge des premières représentations, le chef canadien Robert Tweten dirige avec clarté et compétence, sans imposer la précision absolue exigée par les nombreux morceaux d’ensemble.
DAVID SHENGOLD