Opéra, 9 novembre
Deux ans après Lille, Marseille reprend le Falstaff de Denis Podalydès, que remonte Jean-Christophe Mast. À l’instar de Mehdi Mehdi en 2023 (voir O. M. n° 193 p. 53), la transposition dans un univers hospitalier ne nous a pas pleinement convaincu. Loin de réaliser l’ambition, annoncée par le metteur en scène, de révéler une certaine gravité derrière la légèreté du livret, elle en gâte certaines opportunités humoristiques.
Un bon exemple en est la scène entre Falstaff et Ford où, en l’absence de porte à passer, leur échange final perd toute drôlerie. Le décor sinistre de vieil hôpital, certes assez réussi, tour à tour salle commune et vestiaire des infirmières, offre un bon prétexte avec la buanderie et ses draps douteux de l’acte II pour cacher le « pancione » dans le linge sale, mais l’ajout de gags un peu forcés (telles les poches de perfusions qu’on remplit de vin) enlèvent toute crédibilité à ce contexte. Les fées, le chêne et les déguisements manquent cruellement dans le finale transformé en un simulacre d’opération où les conjurés libèrent de sa cuirasse de graisse un Falstaff qui bondit, cabriolant pendant la fugue finale comme le page qu’il fut, dans ce qu’il faut sans doute comprendre comme une métaphore de son éternelle jeunesse.
Fort heureusement, un plateau remarquable d’homogénéité sauve par son engagement scénique cette approche artificielle. Débutant dans le rôle-titre, Giulio Mastrototaro se montre vocalement jeune et subtilement caractérisé, avec une diction impeccable. Son baryton plutôt clair contraste heureusement avec celui plus sombre et large du Ford colérique, très impressionnant, de Florian Sempey. Du côté féminin, le trio des commères est dominé par le soprano corsé de Salomé Jicia qui donne beaucoup de présence à Alice. Lui répondent la Meg plus légère d’Héloïse Mas et la savoureuse Quickly de Teresa Iervolino, aux graves veloutés. On découvre en Fenton la jolie voix du ténor lyrique léger mexicain Alberto Robert. Son allure juvénile et son timbre caressant se marient parfaitement dans leurs duos avec celui d’Hélène Carpentier, une Nannetta à la voix plus large que de coutume mais non moins lumineuse. Raphaël Brémard, Carl Ghazarossian, et Frédéric Caton incarnent avec toute la verve voulue les compagnons de Falstaff.
Mais c’est surtout la direction énergique et précise de Michele Spotti, insufflant à la partition un élan et une vitalité sans faille, qui constitue l’élément le plus efficient et le plus authentique de cette production ni chair ni poisson qui promet plus qu’elle ne tient.
ALFRED CARON
Giulio Mastrototaro (Sir John Falstaff)
Florian Sempey (Ford)
Alberto Robert (Fenton)
Raphaël Brémard (Dr. Cajus)
Carl Ghazarossian (Bardolfo)
Frédéric Caton (Pistola)
Salome Jicia (Mrs. Alice Ford)
Hélène Carpentier (Nannetta)
Teresa Iervolino (Mrs. Quickly)
Héloïse Mas (Mrs. Meg Page)
Michele Spotti (dm)
Denis Podalydès (ms)
Éric Ruf (d)
Christian Lacroix (c)
Pierre Loof (l)