2 CD Opera Rara ORR 258

Parvenu à l’avant-dernière étape de son parcours donizettien, le musicologue Roger Parker met l’accent sur l’infinie diversité d’icelui, illustrée par la confluence des chemins italien et français de ces 2 CD et de leurs 37 plages. La ballata « Dormi fanciullo mio » des années 1830 ouvre ainsi le premier panel mariant canzonette et arie avec recitativo, comme Il pescatore, étiré sur plus de neuf minutes, avant les inévitables vers de Metastasio d’inspiration traditionnelle puis l’ineffable Lamento per la morte di Bellini. Le second disque tout entier dévolu aux pièces françaises élues par le prolixe Gaetano, lors de ses séjours parisiens et viennois durant ses dernières années, nous conduit dans les salons pour pleurer à l’évocation pathétique de La Mère et l’enfant. Contraste assuré avec la ritournelle évocatrice d’« Au tic-tac des castagnettes » qui lui fait suite, manière de retour au style léger des premières pièces donizettiennes, en amont d’une succession de chansons légères versus nombre de pages dramatiques.
Une telle pluralité justifie la décision de confier cette somme à la soprano albanaise Ermonela Jaho, généralement appréciée pour l’expressivité que cette dernière s’applique à offrir dans ses incarnations les plus antinomiques, depuis ce que l’on qualifie à tort de « belcanto romantique » plutôt que de « néobelcantisme », jusqu’au vérisme du Leoncavallo de Zazà et à Puccini trop vite assimilé à cette esthétique. À l’actif de la chanteuse, la suavité d’un timbre à son acmé dans les aigus projetés ou éthérés, les piani suspendus en miroir d’une fougue parfois surjouée. Dès les premières minutes du volume italien, la frilosité du médium et le vibrato de la ligne peuvent eux irriter, moins cependant que leur immédiate exacerbation dans Il pescatore. Les pièges de la langue française majorent ces faiblesses dans le second disque. Les aigus décoiffants y peinent à éclairer des textes mal articulés, qui plus est plombés par la grisaille des notes centrales. Plus serva que padrona, la charmeuse Ermonela chaperonnée par Carlo Rizzi sauve toutefois globalement la mise.
JEAN CABOURG
Carlo Rizzi (piano)
2 CD Opera Rara ORR 258