Opéra, 11 avril
En revoyant cette production créée à -l’Opéra de Lorraine en décembre 2023 (voir O. M. n° 199 p. 82 de février 2024), on comprend mieux pourquoi Tim Sheader affirmait dans sa note d’intention n’avoir de sympathie pour aucun des personnages. C’est en effet le cynisme, et singulièrement celui de Norina, que sa mise en scène met en avant. Au final, l’héroïne n’accepte ni la bague que lui offre Ernesto, ni de poursuivre son aventure avec Malatesta. Elle prend en mains les affaires de Don Pasquale, dévoilant ainsi ses véritables motivations et laissant entendre qu’elle s’est servie de tout le monde pour arriver à ses fins et passer du statut de technicienne de surface à celui de patronne de l’entreprise Pasquale. Cette fin donne à la morale qu’elle chante et qui conclut l’opéra une toute nouvelle tonalité. Pour le reste, n’était la transposition dans un univers contemporain, inspiré de la série Succession, la féminisation du notaire, l’invention d’un secrétaire quelque peu efféminé et l’intermède burlesque du troisième acte, où les choristes transformés en lutins roses se lancent dans une chorégraphie pleine de fantaisie à l’ombre d’un énorme sapin de Noël, sa vision reste celle d’une farce typique de la commedia dell’arte.
Omar Montanari, en perruque et en jogging, se coule à merveille dans son rôle de barbon ridicule en quête d’un regain de jeunesse. Ses moyens de basse bouffe se doublent d’une parfaite maîtrise du parlé-chanté et du chant syllabique à laquelle Dario Solari, Malatesta bien timbré, jouant à la perfection le bellâtre arrogant et sûr de lui, n’a rien à envier. Joel Prieto possède certes des moyens imposants en termes de volume sonore, mais il ignore toute nuance autre que le forte et le mezzo forte, privant son personnage d’amoureux transi du charme qui devrait nous le rendre sympathique. Angelica Disanto aborde Norina avec un soprano lyrique léger brillant, des aigus et un tempérament scénique bien trempés, assumant avec talent les multiples facettes de son personnage trompeur. Le chœur, dans ses brèves interventions, ne mérite que des éloges, particulièrement dans l’épisode farfelu où il forme un parfait ensemble, digne d’une comédie musicale. Dans la fosse, Giuseppe Grazioli dirige avec toute la verve voulue et quelques jolies parenthèses lyriques bien senties l’excellent Orchestre de Chambre de Lausanne dans un spectacle dont les multiples gags amusent un public visiblement enchanté, qui lui fait un beau succès.
ALFRED CARON