Opéra, 28 janvier
Coproducteur de cette Zauberflöte mise en scène par Cédric Klapisch, l’Opéra de Nice accueille à son tour le spectacle, créé en novembre 2023 au Théâtre des Champs-Élysées (voir O. M. n° 199 p. 89 de février 2024). Toujours aussi séduisant visuellement, il conserve toute sa poésie grâce au travail rigoureux de Laurent Delvert, garant de la vision initiale du réalisateur. L’approche de l’œuvre reste celle d’un conte humaniste subtilement réactualisé par des dialogues en français, qui abordent avec légèreté des thèmes universels. On est frappé par la richesse esthétique de la mise en scène : les décors de Clémence Bezat, oscillant entre nature luxuriante et architectures stylisées, sont magnifiés par les lumières d’Alexis Kavyrchine (restituées à Nice par Valentin Moulinié). Les costumes raffinés de Stéphane Rolland et Pierre Martinez, tout comme les animations vidéographiques signées Niccolo Casas, Stéphane Blanquet et l’Atelier de Sèvres, apportent une touche de fantaisie bienvenue.
Si la scénographie séduit, la distribution vocale laisse une impression plus contrastée : les passages d’ensemble sont solides, mais certains chanteurs peinent à s’imposer individuellement. Ainsi, le Tamino de Joel Prieto manque de relief (« Dies Bildnis » apparaît appliqué, voire poussif), la Königin der Nacht de Tetiana Zhuravel, malgré son agilité, peine à enflammer son air emblématique (« Der Hölle Rache kocht in meinem Herzen »), tandis que Sydney Mancasola propose une Pamina distante (« Ach, ich fühl’s… » s’étire sans véritable émotion). Marc Laho campe quant à lui un Monostatos outrancier.
Heureusement, quelques interprètes relèvent le niveau. Joan Martin-Royo incarne un Papageno fantasque et vocalement inspiré, rendant son « Ein Mädchen oder Weibchen » particulièrement touchant. Antonio Di Matteo impose un Sarastro majestueux (« O Isis und Osiris » capte immédiatement par son amplitude), et Veronika Seghers compose une Papagena pétillante, dont le duo final avec Papageno respire l’aisance et la spontanéité. Les trois dames, les trois garçons et les deux hommes d’armes s’acquittent de leurs rôles avec professionnalisme, mais sans éclat particulier. À la baguette, Jean-Christophe Spinosi insuffle énergie et relief à la partition de Mozart. Bien que certains choix de tempi se révèlent audacieux, ils altèrent parfois l’équilibre entre scène et fosse. Quoi qu’il en soit, le chef tire de très beaux accents des forces chorales et instrumentales de l’Opéra de Nice, contribuant à la tenue globale du spectacle.
CYRIL MAZIN