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Die Walküre à Paris

17/11/2025
Stanislas de Barbeyrac, Günther Groissböck et Elza van den Heever. © Opéra National de Paris/Herwig Prammer

Opéra Bastille, 11 novembre

En février dernier, Das Rheingold inquiétait pour la suite (voir O. M. n° 210 p. 64). Die Walküre reprend sur des bases décantées. Rebecca Ringst a posé face à la salle un grand mur de panneaux grillagés où peuvent se projeter une multitude de vidéos fragmentaires ou de grands tableaux souvent très impressionnants conçus par Sarah Derendinger : une chasse au cerf avec une meute en flammes pour le début du II, ou plus loin, pour l’arrivée de Hunding, un couple de molosses aux gueules ouvertes menaçantes. Calixto Bieito a situé l’ensemble dans le contexte de la guerre dans une grande ville d’aujourd’hui, où Siegmund fuit à travers l’enchevêtrement des escaliers. Cette évocation culminera dans une « Chevauchée des Walkyries » faite notamment d’écroulement de grands immeubles, dans une apocalypse générale. Dans un ensemble très noir, ce climat horrifique se tempère pourtant, sous une direction d’acteurs poussée, avec des scènes intimes souvent d’une grande tendresse, pour les duos du I et du II notamment.

Distribuées dans un appartement situé à l’étage pour la rencontre chez Sieglinde et Hunding du I, puis au niveau du sol, côté cour, et au II, côté jardin, dans un local qui abrite les instruments de domination de Wotan, ces scènes sont projetées simultanément – et utilement – sur la partie du décor restée inutilisée. Plusieurs inventions fortes encore, avec par exemple cette mise en parallèle, à la fin du I, de Hunding dépeçant sauvagement le bélier qui a été accroché, au retour de la chasse, dans son appartement, pendant qu’au sol Siegmund extrait douloureusement l’épée non de l’arbre, mais de son propre ventre ensanglanté. Le III, avec une dislocation de la paroi en grands blocs de praticables mobiles, voit une nette baisse de tension, avec plusieurs incohérences, et pour finir un simple enfumage et la sortie ironique d’un Wotan dansant, qui après avoir aligné de façon peu compréhensible des masques protecteurs sur le plateau, congédie la tragédie sur un geste d’humour, nous laissant finalement plutôt sceptique sur la cohérence et la portée de l’ensemble.

Le plateau reprend trois des protagonistes du concert du TCE de mai 2024 (voir O. M. n° 203 p. 83). Stanislas de Barbeyrac y renouvelle le succès de sa prise de rôle, dans un emploi correspondant à l’évolution considérable de sa voix. D’une présence intense aussi, pour un duo puis une mort particulièrement saisissants. Elza van den Heever, pourtant durement traitée par la production, impose une Sieglinde très émouvante, aux aigus puissants mais purs et transparents, bouleversants même pour son « O hehrstes Wunder! ». Tamara Wilson réussit à imposer une Brünnhilde de très forte carrure, à prendre comme une fore tellurique irrésistible, nonobstant nuances et raffinements de phrasés, tant dans son « Annonce de la mort » que dans ses échanges avec Wotan au III.

Remplaçant pour les premières représentations un Iain Paterson déclaré souffrant, le très versatile Christopher Maltman saisit d’entrée par la forte personnalisation et l’intelligence du rôle, et sa savante gestion des forces, la justesse et la vigueur de son engagement culminant dans un déchirant « O göttliche Not! Grässliche Schmach! ». Sans démériter, mais avec une légère usure de la voix, Günther Groissböck renouvelle l’excellente caractérisation du Hunding qu’il assume ici depuis près de quinze ans. Peut-être moins à l’aise dans la tessiture que pour Rheingold, Eve-Maud Hubeaux enfin compose bellement, malgré l’enlaidissement du maquillage, la Fricka de grand relief requise. Un ensemble de Walkyries homogène et de qualité complète heureusement.

Avec un orchestre en très bonne forme, Pablo Heras-Casado s’engage plus franchement que dans le Prologue, négociant notamment avec habileté ces moments souvent difficiles que sont les longues scènes et récits du II. Une salle comble ovationne longuement chanteurs, orchestre et chef, l’équipe de production se réservant de paraître pour la fin du cycle.

FRANÇOIS LEHEL

Stanislas de Barbeyrac (Siegmund)
Günther Groissböck (Hunding)
Christopher Maltman (Wotan)
Elza van den Heever (Sieglinde)
Tamara Wilson (Brünnhilde)
Eve-Maud Hubeaux (Fricka)
Pablo Heras-Casado (dm)
Calixto Bieito (ms)
Rebecca Ringst (d)
Ingo Krügler (c)
Michael Bauer (l)
Sarah Derendinger (v)

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