Opéras Die englische Katze à Munich
Opéras

Die englische Katze à Munich

17/11/2025
© Geoffroy Schied

Cuvilliés-Theater, 5 novembre

Lord Puff, vieux chat londonien distingué, ambitionne de prendre la tête de la Royal Society for Protection of Rats (RSPR), société féline philanthropique et végétarienne qui a même recueilli la souris orpheline Louise. Pour asseoir sa respectabilité, Lord Puff envisage d’épouser Minette, jeune chatte de province candide, au grand dam d’Arnold, son neveu criblé de dettes, déterminé à préserver son héritage en faisant capoter cette union. Mais Minette succombe au charme de Tom, fougueux chat de gouttière rencontré sur un toit. Un héros prêt à défier toutes les conventions… jusqu’à ce qu’il soit brusquement reconnu comme héritier d’une grande lignée et devienne le plus riche chat d’Angleterre. Refusant de se plier aux exigences intéressées de la RSPR, en réalité plutôt une société mafieuse qu’une institution charitable, Tom est éliminé, et Minette avec lui, tandis que Louise retourne à sa prudente existence de petite souris.

Un excellent livret, rédigé dans une langue percutante et fluide par le dramaturge anglais Edward Bond, d’après les Peines de cœur d’une chatte anglaise, conte animalier d’Honoré de Balzac, en s’émancipant de l’original pour en faire une véritable comédie de mœurs victorienne, pleine d’humour, d’actualité et de satire sociale. Pour le compositeur allemand Hans Werner Henze (1926-2012), un répit bienvenu après une décennie d’engagement politique intense et souvent conflictuel, et qui lui permet de retrouver, avec un plaisir manifeste, la verve comique qu’il n’avait plus guère exploitée depuis son brillant Der junge Lord, quinze ans auparavant. Une succession de numéros fermés, aux sous-titres évocateurs (« Courante », « Moresca », « Walzerino », « Cavatine », « Quodlibet »), pages bigarrées que l’on pourrait ranger hâtivement sous la rubrique d’un néoclassicisme réactionnaire, mais où à chaque instant la musique progresse, pique la curiosité, agace l’oreille ou séduit, alternant caricature la plus mordante et élans lyriques d’une poésie délicieusement mélancolique.

Rétrospectivement, Henze n’avait pas été très content de la création de Die englische Katze (en langue allemande), dans le cadre intime du Rokokotheater de Schwetzingen en 1983, alors qu’il était pourtant lui-même responsable de la mise en scène. L’ouvrage lui paraissait soudain trop long et difficile, mais peut-être faute d’une scénographie idéale qu’il n’était pas parvenu à concevoir. Et on peut supposer que son opinion à propos de la production de Christiane Lutz à Munich, dans un cadre très voisin (un autre théâtre rococo, le ravissant Cuvilliés), n’aurait pas été meilleure, voire pire. D’efficaces et souvent bonnes intentions, piégées dans un vieux carcan de « Regietheater » laid (lambris sombres et éclairages crus, costumes « seventies » aux couleurs acidulées…) et surtout une comédie beaucoup trop humaine, dont les aspects animaliers – ce jeu de miroir et d’esquive pourtant indispensable – se trouvent réduits à presque rien.

Heureusement, le dynamisme de ce long spectacle (deux actes, plus de deux heures de musique), est en permanence préservé par la toute jeune troupe de l’Opera Studio de Munich, ensemble où l’on recrute décidément à un niveau extraordinairement élevé. Impossible de citer tout le monde, mais chacun des tempéraments scéniques est remarquable, et même la confrontation technique de toutes ces voix en devenir à une écriture souvent escarpée, exigeant une impeccable justesse d’intonation, tourne presque toujours à leur avantage. Mention particulière pour la délicate Minette de Seonwoo Lee, soprano colorature sud-coréenne qui n’est plus membre de l’ensemble cette saison mais qu’on a réintégrée à juste titre pour cette production. Dommage simplement que la jeune cheffe Katharina Wincor prenne à ce point le risque de couvrir une aussi sympathique distribution, afin de valoriser une écriture orchestrale certes brillante, voire époustouflante, mais qui devrait rester bien davantage cantonnée au rôle de luxuriante toile de fond !

LAURENT BARTHEL

Michael Butler (Lord Puff)
Daniel Vening (Arnold)
Zhe Liu (Mr. Jones, Der Richter, Mr. Fawn)
Armand Rabot (Tom)
Samuel Stopford (Peter)
Dafydd Jones (Mr. Keen, Der Verteidiger, Der Pfarrer)
Seonwoo Lee (Minette)
Lucy Altus (Babette)
Iana Aivazian (Louise)
Elene Gvritishvili (Miss Crisp)
Nontobeko Bhengu (Mrs. Gomfit)
Jess Dandy (Lady Toodle)
Bruno Khouri (Mr. Plunkett, Der Staatsanwalt)
Meg Brilleslyper (Betty)
Katharina Wincor (dm)
Christiane Lutz (ms)
Christian Andre Tabakoff (d)
Dorothee Joisten (c)
Benedikt Zehm (l)

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