Maison de la Culture, 28 mars
Pour offrir Turandot aux spectateurs clermontois – parmi lesquels de nombreux jeunes et très jeunes –, Clermont Auvergne Opéra s’est soumis aux contraintes qu’imposait son ambitieux projet.
L’Opéra-Théâtre, belle salle à l’italienne, offrant une jauge trop restreinte (600 places), il a fallu donner l’ultime « dramma lirico » de Puccini dans la Maison de la Culture, plus vaste (1 500 places), mais à l’acoustique très sèche, peu favorable aux chanteurs. Par ailleurs, la compagnie itinérante espagnole Opera 2001 apporte, en coproduction avec l’Opéra de Massy, les ressources de son orchestre, de ses chœurs, ainsi que de ses décors et costumes, conçus pour tourner.
Le spectacle mis en scène par Aquiles Machado, dans les décors et costumes d’Alfredo Troisi, ne prétend pas renouveler notre vision de l’ouvrage et s’inscrit dans la tradition. Un dispositif mobile permet de passer d’une place publique au pavillon des Ministres, puis à la salle du Trône. Les couleurs éclatantes, l’immense clair de lune forment un écrin adéquat. Les costumes moirés (dominante or safrané) leur répondent.
Martin Mazik, directeur musical du Théâtre National Slovaque, maintient la cohésion des ensembles, évitant tout décalage entre scène et fosse. Sans doute, des effectifs plus étoffés rendraient-ils mieux justice aux audaces harmoniques de la partition, et on regrette de ne pas entendre des voix d’enfants célébrer la beauté de Turandot, leur étrange mélodie (« Là, sui monti dell’est ») étant, selon toute apparence, confiée aux sopranos du chœur.
La distribution donne l’occasion de saluer, dans le rôle-titre, la soprano française Chrystelle Di Marco, lauréate du Concours International de Chant de Clermont-Ferrand 2019, pour incarner Santuzza dans Cavalleria rusticana. L’étendue de sa voix, sa flexibilité nous valent un « In questa reggia » sans accroc, une scène des énigmes au solide contre-ut, et une belle conversion à la tendresse dans sa réplique finale (« Il suo nome è… Amor ! »).
L’excellent baryton espagnol Guillem Batllori réussit à interpréter, à la fois, le Mandarin et Ping, au solo poétique (« Ho una casa nell’Honan »). Il se change très rapidement, assisté de deux habilleuses, à trois pas de la scène. Ses comparses, issus de la commedia dell’arte, sont Yuanyuan Gong et Zelin Sun, deux ténors agiles.
Calaf a la voix solide du ténor espagnol Eduardo Sandoval, qui assure vaillamment la scène des énigmes et sait se montrer lyrique dans « Nessun dorma ! ». La basse ukrainienne Viacheslav Strelkov chante et incarne Timur avec conviction. Inhyeong Hoang, Altoum résigné puis apaisé, capte l’attention par sa présence.
Méforme passagère ou acoustique peu flatteuse, la Liù de Francesca Bruni ne surplombe pas assez l’orchestre, dans le finale du premier acte. La soprano italienne se montre plus convaincante dans « Tu, che di gel sei cinta », et sa gestique dans le suicide est très crédible.
Pari tenu. Cette courageuse Turandot poursuivra sa route.
PATRICE HENRIOT