Opéras Così fan tutte à Metz
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Così fan tutte à Metz

27/02/2025
Jiří Rajniš, Antonio Mandrillo, Matteo Loi, Francesca Cucuzza, Ekaterina Bakanova et Lilly Jørstad. © Opéra-Théâtre de l’Eurométropole de Metz/Philippe Gisselbrecht

Opéra-Théâtre, 6 février

L’Opéra-Théâtre de Metz a affiché pour trois soirs un Così fan tutte, en coproduction avec les théâtres de Jesi, où il a été créé en octobre 2023, Pise, Modène et Rovigo. Cela faisait bien longtemps que nous n’avions assisté à un Così aussi réussi, classique mais en rien poussiéreux, et rendant bien compte des enjeux humains et émotionnels. En charge des décors et costumes, Milo Manara, né en 1945, aura donc attendu ses 78 ans pour collaborer avec l’opéra. Si les tenues XVIIIe du célèbre dessinateur sont jolies, mais assez banales, très réussie est en revanche, pour reprendre ses propres mots, la « scénographie à l’ancienne et bidimensionnelle composée de glissières, toiles de fond, portes escamotables et petites ingéniosités de machinerie ». Ces fresques colorées à motifs mythologiques, figurant les différentes métamorphoses de Jupiter, des cupidons voletants ou encore des satyres poursuivant des nymphes dénudées, qui donnent le ton de badinage érotique – certes un peu leste pour l’intérieur de deux jeunes filles ! – apparaissent ou disparaissent grâce à des panneaux coulissants, dessinant par ces changements à vue incessants une topographie du désir.

Stefano Vizioli signe une mise en scène d’une belle fluidité qui atteint son objectif de « mêle[r] avec désinvolture comédie et tragédie, mélancolie et érotisme subtil », donnant à voir clairement les forces en présence lors de finals parfaitement chorégraphiés. La direction claire, vive et raffinée de David Reiland contribue au succès de la soirée, galvanisant l’Orchestre National de Metz Grand Est, aux cordes sans doute peu transparentes, mais aux vents, fort sollicités dans cette pièce, aussi virtuoses que poétiques. Si les chœurs maison ont parfois tendance au tonitruant – en particulier dans « Bella vita militar ! » –, le pianoforte très inventif, mais qui ne se mêle pas indiscrètement à l’orchestre comme dans mainte production actuelle, mène les récitatifs avec brio. Dommage que la distribution, très disparate ne soit pas au même niveau d’excellence, avec des voix mal appariées, chose très problématique pour cet opéra d’ensembles. 

Musicalement et techniquement, le plateau est dominé par la Fiordiligi sensible d’Ekaterina Bakanova, voix fine, longue et bien disciplinée, mais à l’ampleur et la projection limitées, en particulier dans le grave. Quoique bien maîtrisé, « Come scoglio » manque de panache, alors que « Per pietà » touche par son désarroi intime. Mais dans les duos avec sa sœur, la soprano ukraino-russe semble trop en retrait : il faut dire que Lilly Jørstad prête à Dorabella un mezzo généreux mais irrégulier, au grave très poitriné, mais à l’aigu ignorant tout de la voix de tête. Si ses deux airs, bien caractérisés dans la véhémence (« Smanie implacabili ») et la coquinerie (« È Amore un ladroncello ») parviennent à convaincre, ses problèmes d’intonation dans les ensembles sont vraiment gênants. Le trio « Soave sia il vento » en perd tout sublime, en dépit d’une pulsation très juste. 

Leurs fiancés sont tout aussi mal assortis, avec cette fois un ténor écrasant le baryton. Bien pâle en effet est le Guglielmo de Jiří Rajniš, faute de mordant et de soutien, tandis qu’Antonio Mandrillo montre davantage de caractère en Ferrando, même si un aigu tendu et un legato insuffisant disqualifient « Un aura amorosa ». Les meneurs de jeu montrent des moyens plus adaptés, avec des voix sonores. Néanmoins, si la spirituelle Despina de Francesca Cucuzza réussit bien ses airs, elle se montre plus timide dans ses apparitions en notaire et en docteur, avec de surcroît quelques aigus tirés dans les ensembles. Quant à Matteo Loi en (jeune) Alfonso, son chant plein d’autorité est déparé par une émission tassée et un vibrato envahissant. Une production que l’on aurait plaisir à revoir, mais avec un plateau plus adéquat. Et pourquoi pas, par exemple, à l’Opéra-Comique, ou dans les écrins privilégiés de l’Opéra Royal de Versailles, du Théâtre Impérial de Compiègne ou du Théâtre de Vichy ?

THIERRY GUYENNE

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