Opéras Così fan tutte à Lyon
Opéras

Così fan tutte à Lyon

05/07/2025
Tamara Banješević, Ilya Kutyukhin, Giulia Scopelliti, Deepa Johnny, Robert Lewis et Simone Del Savio. © Opéra de Lyon/Paul Bourdrel

Opéra, 24 juin

Pour ce nouveau Così fan tutte, Marie-Ève Signeyrole prend au pied de la lettre le sous-titre « L’école des amants » en situant l’action de nos jours dans l’amphithéâtre d’une école des beaux-arts où Don Alfonso, professeur de philosophie et d’esthétique, invite ses étudiants – dont les rangs sont grossis par une vingtaine de couples, de 20 à 32 ans, recrutés en ligne et différents chaque soir – à réfléchir sur la question de l’amour et la fidélité. Il propose une semaine d’expérimentation en direct sur deux étudiants volontaires (Ferrando et Guglielmo) et deux cobayes qui s’ignorent (Fiordiligi et Dorabella), en six étapes (séparation, coup de foudre, empathie, plaisir des sens, ultimatum et mariage) suivant strictement le déroulement de l’opéra, dûment écrites au tableau, avec ensuite résultats de chaque épreuve.

Influencé par la téléréalité, ce Così très « amphi de la tentation », qui mêle vidéos en direct – tarte à la crème théâtrale  actuelle – et images préenregistrées, fonctionne à peu près, mais au prix de dialogues ajoutés, en italien, pour permettre à Alfonso d’expliquer le concept, et de maintes coupures – trio « Una bella serenata », quatuor « La mano a me date », arioso d’Alfonso, ainsi que moult récitatifs. Sans oublier des aménagements de texte. Évidemment, Despina n’est plus la femme de chambre des deux sœurs mais l’assistante du professeur – mais pourquoi bat-elle toujours le chocolat ? Mystère. Et la phrase scandalisée de Fiordiligi découvrant l’intrusion des Albanais, « E in casa mia che fanno? », devient prudemment « E qui che fanno? ». Si l’on admire la direction d’acteurs, on s’amuse de certains détails, notamment des figurants professionnels fort dénudés (cours de dessin oblige !), et d’un propos faussement sulfureux, mais bien dans l’air du temps, où quelques couples hétéros et homos se mêlent, et où Dorabella semble autant troublée par Despina que par Guglielmo.

Logique semble du coup le dénouement où chacun des quatre mis à l’épreuve, désabusé, se retrouve finalement seul. Pour le reste, on s’ennuie ferme, car l’œuvre, dénaturée par ces coupures et ajouts, paraît sans rythme et interminable. On passe surtout à côté des intermittences du cœur et de l’ambiguïté du désir qui sont au centre de l’ouvrage, en le réduisant à une anecdote vaguement libertine, plus que libertaire, d’où s’évaporent toute émotion et poésie. Comment obtenir un fondu vocal pendant le trio « Soave sia il vento » si Alfonso n’éprouve manifestement aucune empathie pour les deux filles ? Et comment s’intéresser aux déchirements d’une Fiordiligi constamment tournée en ridicule ?

Reste une direction musicale de Duncan Ward élégante et précise – sauf pour certains décalages du chœur, chantant en coulisses – mais frustrante par son manque de nerf et de poésie, et un plateau jeune et de qualité, le parti pris étant, de façon amusante, inverse de celui de  Tcherniakov à Aix-en-Provence, qui avait rassemblé des vétérans.

Tamara Banješević est une Fiordiligi au timbre corsé, aussi virtuose (vocalises et grands écarts en place dans « Come scoglio », souffle infini et pianissimi aigus dans « Per pietà ») qu’émouvante : un exploit dans ce contexte ! Deepa Johnny, mezzo puissant et ductile, et Ilya Kutyukhin, baryton mordant et éclatant, sont des Dorabella et Guglielmo parfaitement assortis pour la voix comme pour le physique. On a moins aimé le Ferrando de Robert Lewis, ténor performant mais nasillard, presque chevrotant par moments, et de fait d’une justesse parfois problématique, notamment dans un « Un’aura amorosa » bien peu suspendu, le dramatisme du « Tradito, schernito » lui convenant mieux, non sans dureté toutefois.

Comme ce dernier, Giulia Scopelliti était à l’Opéra Studio de Lyon encore la saison passée. La soprano italienne campe une Despina pétulante, sans excès de nasalité dans le timbre en Docteur et Notaire, mais le personnage reste assez conventionnel. Doyen du plateau, enfin, Simone Del Savio est un Alfonso dont l’autorité péremptoire confine, conformément à cette lecture, à la brutalité, baryton solide mais à l’émission assez tassée.

THIERRY GUYENNE

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