C’est déjà la rentrée, et les saisons lyriques ne vont pas tarder à s’ouvrir les unes après les autres. Vous avez – enfin – décidé de franchir le pas, mais hésitez entre deux tenues, ou pensez carrément n’avoir rien à mettre pour votre première soirée à l’opéra ? Pas d’inquiétude, Lyrik s’est penché sur la question.
En 1983, Carlos Ott remporte le concours lancé par le président François Mitterrand pour le nouvel Opéra de Paris, place de la Bastille. Le projet est de construire un opéra moderne et populaire, à l’opposé du Palais Garnier. L’architecte uruguayo-canadien résume ainsi son approche : « Il s’agissait de ne pas reproduire un bâtiment fastueux. (…) J’ai conçu la Bastille pour les gens qui arrivent au spectacle en jeans et en baskets avec leur casque de scooter à la main. » Mais alors comment s’habille-t-on à l’opéra ? En robe longue à Garnier, et en jean baskets à Bastille ?
Avec la volonté de démocratiser l’opéra et d’en faire un art ouvert à tous, les conventions vestimentaires ont peu à peu disparu. Aujourd’hui, toutes les maisons s’accordent sur le fait que les spectateurs doivent surtout privilégier leur confort. Et celui des autres. Pas question de déranger ses voisins en se tortillant sur son siège à cause d’une jupe fourreau, ou de souliers neufs à la semelle rigide.
Aurea mediocritas, ou le juste milieu
A l’opéra, donc, venez comme vous êtes… ainsi que le proclame une campagne publicitaire de la plus célèbre des enseignes de fast-food ?
Certes ! Mais il existe, plutôt que des règles, certaines traditions, qu’il n’est sans doute pas inutile de connaître pour parer à toutes les situations. D’ailleurs, n’est-il pas préférable, au moins pour honorer les artistes, de s’habiller un peu mieux qu’à l’accoutumée ? Peut-être aussi pour marquer l’événement. Car on vient à l’Opéra pour voir autant qu’être vu. Faites-vous plaisir ! Attention, cependant, à ne pas verser dans l’extravagant : des habits de ville rehaussés d’un détail élégant feront très bien l’affaire pour ces dames, tandis que ces messieurs pourront concéder l’effort de porter, sinon une veste, du moins une chemise – ou un t-shirt, pourvu qu’il soit propre…
Si vous visez l’élégance, prenez soin de ne pas négliger vos chaussures, dont l’état peut ruiner une belle tenue. Le plus important n’en reste pas moins la discrétion : évitez à tout prix les accessoires bruyants, comme les rangées de bracelets ou certaines boucles d’oreilles, dont le cliquetis incessant ne manquera pas d’exaspérer vos voisins, déjà à cran à cause de l’intempestif, mais inévitable déballage de bonbon, qui ne manque jamais de s’immiscer au moment où la prima donna tente son plus impalpable pianissimo…
Mais surtout, pas de panique, au cas où vous n’auriez pas de tenue chic dans votre garde-robe, ni le temps de vous changer après une journée de travail. Un public curieux et enthousiaste, voilà l’essentiel ! C’est d’ailleurs ce que l’on observe de plus en plus. Et pas seulement lors des avant-premières Jeunes de l’Opéra de Paris, où les salles sont remplies d’une nouvelle génération mêlant passionnés fidèles qui, en l’occurrence, n’ont pas le moindre complexe à venir comme ils sont, curieux décontractés, et novices souvent un peu plus guindés.
L’exception anglaise
Parenthèse bucolique par excellence, le Festival de Glyndebourne fait exception et impose son style. Sur son site internet, on trouve même un onglet dédié, où l’on peut lire que si « les tendances et les pratiques ont peut-être changé depuis 1934, l’occasion de s’apprêter ne passe jamais de mode ». Le ton est donné : à vos robes longues et dinner jackets ! Mesdames, n’oubliez pas cependant que le Festival est connu pour ses pique-niques sur la pelouse, et que vos stilettos risquent de s’enfoncer dans le gazon…
Le dress code variant d’un pays à l’autre, il peut être bon de se renseigner sur les pratiques locales pour se fondre dans le paysage. Dans les pays de l’Est par exemple, la tradition veut que l’on s’habille bien plus qu’en Europe occidentale. Il n’est pas rare de croiser des femmes en robes longues et des hommes en smoking, contrairement à la France, où ce genre d’accoutrements peut paraître un peu trop sophistiqué, voire passer pour un déguisement aussi ridicule que suranné.
Il existe néanmoins des occasions particulières où l’élégance est de mise. Si vous avez la chance d’assister à la première d’un spectacle ou, mieux, à l’un de ces galas où les marches du Palais Garnier débordent de fleurs, tâchez de soigner votre apparence ! Comme les soirs de Nouvel an d’ailleurs, où vous êtes attendus en tenue de réveillon.
L’Opéra, un lieu à part ?
Ces considérations vestimentaires vous dépassent ou vous ennuient ? Mais s’il y avait là plus qu’une simple convention sociale ? À l’origine, en Grèce, le théâtre était un art sacré, né du culte de Dionysos. Les premiers spectacles avaient d’ailleurs lieu autour des temples, avant qu’un espace ne leur soit dédié, pour célébrer de grandes fêtes religieuses, comme les Dionysies. Vestiges d’une tradition ancestrale ou non, ce n’est peut-être pas un hasard si l’on sort ses habits du dimanche pour se rendre au spectacle…
AMALIA LAMBEL
À voir :
Au cours de la saison 2022-2023, l’Opéra National de Paris propose douze spectacles en avant-première pour les moins de 28 ans, au tarif unique de 10 euros, dont six nouvelles productions d’opéras : Salome de Richard Strauss le 12 octobre, Peter Grimes de Benjamin Britten le 23 janvier, Hamlet d’Ambroise Thomas le 8 mars, Nixon in China de John Adams le 22 mars, Ariodante de Georg Friedrich Haendel le 17 avril, et Roméo et Juliette de Charles Gounod le 14 juin.