3 CD Alpha Classics ALPHA 1141

Sorti de l’oubli par Ottavio Dantone, Cesare in Egitto de Geminiano Giacomelli revient dans la lumière grâce à cet enregistrement live capté au Landestheater d’Innsbruck en août 2024. Œuvre caractéristique du baroque tardif, influencée par le style napolitain alors en vogue, la partition déploie une virtuosité exigeante, sollicitant des voix à la fois souples, agiles et expressives. De fait, tous les rôles imposent un engagement vocal de haut niveau, en particulier ceux de Cesare et Cleopatra, confiés ici à deux sopranos lauréates du Concours Cesti.
Dans le rôle travesti de Giulio Cesare, Arianna Vendittelli (lauréate 2015) convainc par un timbre franc et généreux, associant autorité dramatique et lyrisme, notamment dans le vaillant « Cuadrà duol disumano » ou le plus tendre « Bella, tel dica amore ». Emőke Baráth (lauréate 2011), en Cleopatra, déploie une ligne vocale souple et lumineuse, doublée d’une belle prestance. Elle aborde avec adresse les redoutables difficultés qui parsèment « Chiudo in petto un cor altero », « Son qual nave da due venti » ou encore « Spose tradite », qu’elle cisèle avec un goût très sûr.
La prestation de la contralto Margherita Maria Sala (lauréate 2020) dans le rôle de Cornelia retient particulièrement l’attention : timbre chaleureux, souffle ample, expressivité constante, notamment dans « Se provin tel core ». Sa maîtrise exemplaire des récitatifs renforce encore davantage le tempérament du personnage. Le Tolomeo de Valerio Contaldo, en revanche, manque de projection et de mordant, comme en témoigne son « Scende rapide spumante », bien trop étriqué. Federico Fiorio prête à Lepido une allure juvénile et touchante, avec une agilité vocale bien maîtrisée dans « A me basta la mia bella ». Filippo Mineccia donne à Achilla un relief certain, avec un phrasé soigné et un timbre assuré jusque dans les graves (« Alla fastosa superba Roma »).
L’Accademia Bizantina, sous la direction toujours éloquente d’Ottavio Dantone, restitue avec finesse et clarté les contrastes expressifs de cette partition, dont l’éclat orchestral compense une inspiration mélodique parfois un rien conventionnelle. Rigueur stylistique, énergie rythmique et cohésion d’ensemble servent toutefois remarquablement cette œuvre rare, dont le finale célèbre une paix retrouvée par un chœur bref mais efficace. Sans être une redécouverte majeure, ce Cesare in Egitto permet de mieux cerner l’art d’un compositeur encore peu représenté au disque, servi ici par une distribution solide et une direction inspirée.
CYRIL MAZIN
Arianna Venditelli (Giulio Cesare) – Emőke Baráth (Cleopatra) – Filippo Mineccia (Achilla) – Margherita Maria Sala (Cornelia) – Valerio Contaldo (Tolomeo) – Federico Fiorio (Lepido)
Accademia Bizantina, dir. Ottavio Dantone
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