
2 CD Alpha Classics ALPHA 1148
Cinquante ans après l’enregistrement pionnier de Nikolaus Harnoncourt, trente après celui de William Christie, Castor et Pollux, dans sa version originale de 1737, retrouve la lumière grâce à György Vashegyi. Longtemps éclipsée par la version remaniée de 1754, cette première mouture demeure rarement donnée. Le chef hongrois s’appuie ici sur les recherches récentes de Sylvie Bouissou, Denis Herlin, Benoît Dratwicki et du Centre de Musique Baroque de Versailles, ainsi que sur une nouvelle édition critique signée Herlin, pour faire entendre plusieurs variantes majeures. Après Naïs, Les Indes galantes, Dardanus, Les Fêtes d’Hébé (Glossa, 2018-2022) et Les Boréades (Erato, 2024), Vashegyi franchit un nouveau palier dans son exploration du théâtre ramiste.
Ce qui saisit d’emblée, c’est la recherche constante d’un équilibre entre rigueur stylistique et raffinement expressif. Direction et interprètes visent une élégance sobre, une clarté architecturale jamais bousculée. L’émotion semble parfois diffuse, comme dans « Que tout gémisse », affaibli par une lenteur excessive. L’Orfeo Orchestra se distingue pourtant par la richesse de ses couleurs et la finesse des dynamiques. Même excellence au sein des pupitres du Purcell Choir, limpides et souples jusque dans les polyphonies les plus serrées. La distribution alterne fidèles complices et invités de marque : Attila Varga-Tóth impose un Grand Prêtre solide ; David Witczak un Jupiter au timbre noble ; leurs voix (en Athlètes) fusionnent idéalement dans « Éclatez, fières trompettes ». Hasnaa Bennani séduit sans peine dans « Que nos jeux comblent nos vœux ». Véronique Gens campe une Phébé charnelle, sombre, un rien distante mais intensément expressive (« Soulevons tous les dieux »). Judith van Wanroij, Télaïre stylée, fait preuve de prestance, malgré quelques inflexions acides (« Tristes apprêts »). Reinoud Van Mechelen et Tassis Christoyannis, émouvants frères ennemis, marquent par leur diction (« Séjour de l’éternelle paix »), leur justesse expressive (« Nature, Amour ») et la ductilité de leurs timbres : ils sont assurément les atouts majeurs de cette version enregistrée au Müpa Budapest en 2023. Aussi soigné soit-il, et malgré son charme, ce Castor et Pollux n’atteint pourtant pas le souffle qui en ferait une version de référence.
CYRIL MAZIN
Reinoud Van Mechelen (Castor) – Tassis Christoyannis (Pollux) – Judith van Wanroij (Télaïre) – Véronique Gens (Phébé) – Olivia Doray (Minerve, Une constellation) – Hasnaa Bennani (Vénus, Une suivante, Une ombre heureuse) – Jehanne Amza (L’Amour, Un plaisir céleste, Une autre ombre heureuse) – David Witczak (Mars, Deuxième athlète, Jupiter) – Attila Varga-Tóth (Premier athlète, Le Grand Prêtre) –
Purcell Choir, Orfeo Orchestra, dir. György Vashegyi
2 CD Alpha Classics ALPHA 1148