Opéras Carmen à Lausanne
Opéras

Carmen à Lausanne

22/05/2025
Edgaras Montvidas et Antoinette Dennefeld. © Opéra de Lausanne/Carole Parodi

Opéra, 16 mai

Entre l’essai récent de reconstitution historique présenté à Rouen en septembre 2023 (voir O. M. n° 197 p. 83 de novembre 2023) et les propositions avancées les plus diverses, la production de Jean-François Sivadier, créée à Lille en mai 2010 et reprise à Strasbourg en décembre 2021 (voir O. M. n° 179 p. 65 de février 2022), continue de suivre sa voie singulière. Avouons pourtant que, quinze ans plus tard, nous n’avons pas tout à fait le même enthousiasme que Michel Parouty au moment de la création. Sans doute les trouvailles heureuses sont-elles toujours là – la fleur tombée des cintres qui se fiche dans le sol aux pieds de Don José – comme la volonté d’échapper aux clichés. Mais l’ascétisme voulu et la distanciation, avec trop de chanteurs face à la salle, marque aussi ses limites, notamment au dernier acte, privé de la magie de la fête, en contrepoint du drame des deux amants.

Reconduit de Strasbourg, le Lituanien Edgaras Montvidas touche par la vigueur de son engagement, jusqu’à un final d’animal blessé particulièrement impressionnant. Manque pourtant une véritable latinité, aussi bien pour le timbre que pour les phrasés. On apprécie le retour des mêmes excellents Frasquita, Dancaïre et Remendado, comme de la très vive et piquante Mercédès de Séraphine Cotrez. Avec une voix ronde et charnue, aux aigus purs et puissants, presque surdimensionnés, la jeune Guatémaltèque Adriana González, pas toujours compréhensible, a des ressources scéniques limitées. À côté de l’Escamillo de belle allure mais qu’on voudrait moins court et plus franchement projeté de Philippe Sly, du Zuniga bien campé d’Olivier Gourdy ou du Moralès correct mais un peu en retrait de Rémi Ortega, la Carmen d’Antoinette Dennefeld nous laisse un peu perplexe, la faute à la production surtout. Retrouvant la scène de ses débuts lausannois après une carrière déjà bien remplie, elle s’engage avec impétuosité devant son public, ménageant judicieusement ses forces pourtant, dans un personnage dont les paradoxales longues mèches blondes avec lesquelles elle joue et la robe pimpante continuent d’étonner pour le rôle, laissant son personnage un peu incertain, entre l’aguicheuse demi-mondaine, et une Carmencita plus populaire, qui brille dans la séguédille, et qu’elle sait tenir aux limites de la vulgarité. Les aigus sont triomphants, avec une pointe de vibrato bien maîtrisé (comme lors de sa prise de rôle à Dijon en 2019, voir O. M. n° 152 p. 44 de juillet-août 2019), les graves pas très agréablement poitrinés, pour une prestation globalement de valeur qu’on souhaiterait revoir dans un autre contexte. Avec des chœurs de l’Opéra et de l’École de Musique superlatifs, et un Orchestre de Chambre de Lausanne qu’on peut juger un peu mince pour l’œuvre, Jean-Marie Zeitouni démarre avec une pétulance qui ne se démentira pas, pour une suite souvent martelée avec trop d’égalité, là où l’on souhaiterait une distinction supérieure, qui demanderait peut-être un travail plus approfondi.

FRANÇOIS LEHEL

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