Metropolitan Opera, 12 mai
Cette mise en scène de Don Giovanni, coproduite avec l’Opéra National de Paris, marque les débuts, au Metropolitan Opera, d’Ivo van Hove. Ce que l’on voit ne diffère pas de ce que Michel Parouty avait décrit, lors de sa création, au Palais Garnier, en juin 2019 (voir O. M. n° 153 p. 64 de septembre), sinon par des touches d’humour davantage présentes, notamment chez la Donna Elvira d’Ana Maria Martinez, incarnée avec énormément de verve.
Le résultat final ne dissipe pas tous nos doutes, loin de là, mais il faut le reconnaître : on a toujours vu moins bien, dans la maison, depuis le retrait de la production de référence, signée Herbert Graf et Eugene Berman, qui a tenu l’affiche de 1957 à 1984.
L’un des intérêts majeurs du spectacle est, évidemment, les premiers pas de Nathalie Stutzmann dans la fosse du Met. Bien connue aux États-Unis dans l’univers symphonique (elle est directrice musicale de l’Atlanta Symphony Orchestra et cheffe principale invitée du Philadelphia Orchestra), la Française a parfaitement relevé le défi : direction claire, faisant constamment avancer la musique, avec des tempi serrés mais toujours pertinents, qui mettent en confiance les instrumentistes. Les nombreux applaudissements reçus du public, comme des chanteurs, sont la juste reconnaissance de l’une des meilleures baguettes entendues au Met, depuis le début de la saison 2022-2023.
Grand habitué de Don Giovanni dans la maison (trente-neuf représentations depuis 2003), Peter Mattei, à 58 ans, demeure un miracle de charme, de fraîcheur, de legato et de nuances. Le baryton suédois domine la soirée, aux côtés d’Ana Maria Martinez, Donna Elvira au timbre sombre et au phrasé remarquablement varié, qui se joue de tous les obstacles du rôle, du moins jusqu’au redoutable « Mi tradi » qui la met à l’épreuve, comme presque toutes ses consœurs.
D’abord Masetto, en 2015, Adam Plachetka est passé à Leporello, en 2019. Il connaît son affaire, mais reste un médiocre chanteur, dont l’émission brutale et engorgée déséquilibre chacune de ses interventions. Le Masetto d’Alfred Walker, attaché au Met depuis de longues années, paraît trop vieux auprès de sa jeune Zerlina, mais l’alchimie opère quand même. Ying Fang, il est vrai, avec sa voix de cristal, délivre un « Vedrai, carino » d’anthologie !
Comme en 2022, lors du transfert de la production à l’Opéra Bastille, Alexander Tsymbalyuk campe un Commandeur impressionnant de profondeur et d’autorité dramatique. Federica Lombardi et Ben Bliss, enfin, dans une forme vocale étincelante, forment un couple Donna Anna/Don Ottavio, dont l’intimité physique ressort avec beaucoup plus d’évidence que dans la plupart des mises en scène de l’ouvrage.
David Shengold