Palazzo Ducale, 23 juillet
C’est un opéra peu connu de Bellini que propose le Festival della Valle d’Itria, avec Beatrice di Tenda (Venise, 1833), l’œuvre n’ayant pas eu le même succès, ni la même postérité que Norma ou I puritani. Écrit pour – et créé par – Giuditta Pasta, le rôle-titre est, sans conteste, le plus exigeant de la partition, requérant une agilité et une souplesse plus développées que chez les autres protagonistes. Le compositeur, en effet, en a particulièrement soigné la ligne mélodique, mettant en valeur l’innocence d’une héroïne se retrouvant, malgré elle, au cœur d’un quatuor amoureux, qui la conduira à l’échafaud.
C’est à Giuliana Gianfaldoni que revient Beatrice, et elle y montre une maîtrise du pianissimo, jusque dans l’aigu, tout à fait en situation. La technique est solide, et les vocalises sont joliment dessinées ; il manque seulement à la soprano italienne de s’affirmer davantage dans les ensembles, de sortir de sa retenue pour nourrir davantage le drame et rendre plus audible la force de l’héroïne, qui nous échappe un peu ici.
Biagio Pizzuti est, au contraire, un Filippo expansif, au timbre rayonnant. Montrant une connaissance évidente de ce répertoire, le baryton italien offre un beau « Qui mi accolse oppresso », donnant à son chant le lyrisme et la subtilité qui lui faisaient défaut, à l’acte I. Car si le personnage est autoritaire, Bellini ne lui offre pas moins des pages raffinées et sensibles, qui auraient mérité souvent plus de finesse dans l’interprétation.
C’est d’autant plus frappant que l’Agnese de Theresa Kronthaler est tout en délicatesse : l’élégance ne lui fait jamais défaut, ce qui donne un « Ah ! non pensar che pieno » particulièrement aérien. Dans d’autres pages, la mezzo allemande passe, en revanche, à côté du caractère de son personnage – ambitieux, passionné, dangereux. Du coup, son Agnese semble bien sage, alors qu’elle est au cœur du drame, et porte la responsabilité du destin tragique de Beatrice.
Celso Albelo, enfin, grand espoir de la scène belcantiste, il y a quelques années, déçoit en Orombello. En plus de fragilités à l’approche de l’aigu, la ligne manque de phrasé et de souplesse, le ténor espagnol ne réussissant pas à s’imposer face à ses collègues.
De manière générale, et malgré les qualités individuelles que nous avons évoquées, ce sont les tableaux d’ensemble qui peinent le plus à convaincre. Le chœur du Teatro Petruzzelli de Bari est pourtant animé, et bien chantant. Mais l’osmose n’opère pas entre les solistes, ni entre eux et les choristes. Effet, sans doute, de la version de concert, chacun reste un peu enfermé dans sa partie. Du coup, le drame et la musique y perdent.
À la tête de l’orchestre du Teatro Petruzzelli, Michele Spotti ne ménage pas ses efforts pour être expressif : le geste est souple, les phrasés sont bien dessinés, et les respirations clairement indiquées. Le son gagne progressivement en consistance et en couleurs, notamment grâce aux cordes, qui construisent une belle homogénéité et soutiennent les chanteurs.
Le chef italien soigne aussi les interventions des cuivres, très présents dans la partition, apportant à Beatrice di Tenda le caractère tragique attendu.
CLAIRE-MARIE CAUSSIN