Opéras Beau livre d’images à Toulouse
Opéras

Beau livre d’images à Toulouse

09/01/2022

Théâtre du Capitole, 28 décembre

Surprise : outre les chanteurs, dans la distribution de cette nouvelle production toulousaine de Die Zauberflöte, figurent le compositeur et son librettiste ! Voici donc Mozart (May Hilaire) et Schikaneder (Ferdinand Régent-Chappey), poudrés et costumés, qui traduisent, de manière très synthétique, les intermèdes parlés du « Singspiel ». Il leur arrive d’intervenir (modestement) dans l’action pour vérifier un détail ou un accessoire, montrant ainsi au public leur implication dans la création de l’œuvre.

La volonté pédagogique est louable, la salle étant pleine d’enfants. Pourtant, ce choix interroge, puisque les chanteurs disent le texte en allemand, et que cette traduction simultanée crée davantage de pesanteur que de légèreté. La vis comica s’en trouve fortement altérée, notamment dans le traitement du rôle de Papageno. C’est la principale réserve qu’appelle la mise en scène du chorégraphe Pierre Rigal, par ailleurs alerte et inventive.

À la fois poétiques et variés, les décors et costumes de Roy Genty tissent une toile brillante qui surprend agréablement l’œil. Les trois Dames arborent d’immenses coiffes pointues, hennins stylisés qui, en prolongeant leurs robes, dessinent trois cônes aux couleurs tranchées. Des toiles peintes descendent des cintres, joyeusement naïves ou gentiment subversives, telle cette station-service « Totalité », arborant une fleur de lotus en logo et dont les pompes proposent le plein de nature, de sagesse ou de raison.

Parfois, des vidéos prennent le relais, marquant la disharmonie d’un monde où les livreurs à vélo, portant d’énormes cubes sur le dos, sont les esclaves du moment. Des figurants parsèment le plateau d’oiseaux empaillés, quand apparaît l’oiseleur, auxquels succèderont un renard et un mouton. Par cet enchevêtrement de lectures possibles, la mise en scène paraît dès lors touffue, laissant la place à un beau livre d’images qui se contenterait d’illustrer le parcours initiatique des protagonistes.

La distribution est de qualité. On y distingue le Tamino altier de Bror Magnus Todenes, dont le timbre, aux éclats métalliques, accentue la ferveur et l’intensité, même si l’acteur reste souvent sur sa réserve. Affublée d’une robe par trop incommode, Anaïs Constans campe une Pamina quelque peu engoncée. Fort heureusement, l’art du chant, la luminosité des aigus rendent justice à l’interprétation.

Après avoir surgi en deltaplane, Philippe Estèphe s’assagit peu à peu (hélas !), tissant un Papageno moins truculent que d’ordinaire. Le baryton français, toutefois, s’avère vocalement excellent. Lui répond, espiègle, la Papagena de Céline Laborie, elle aussi très réussie.

Serenad Uyar prête à la Reine de la Nuit la grande agilité de ses aigus. Malgré des graves qui restent en retrait, Luigi De Donato est un Sarastro solide, tandis que Paco Garcia donne à Monostatos une orientation plus « bouffe » que grinçante.

Dans la fosse, dès l’Ouverture, la musique de Mozart apparaît solennelle, presque empesée. Par ses attaques précises, la direction de Frank Beermann se fait ensuite plus incisive, s’appuyant sur un remarquable Orchestre National du Capitole, où se distinguent les cordes et les bois.

JEAN-MARC PROUST

PHOTO © MIRCO MAGLIOCCA

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