Opéras Athènes rend hommage à Callas
Opéras

Athènes rend hommage à Callas

19/05/2023
© Andreas Simopoulos

Stavros Niarchos Hall, 2 mai

En cette année 2023, où l’on célèbre le 100e anniversaire de la naissance de Maria Callas (2 décembre 1923), le Greek National Opera pouvait-il ne pas monter Médée de Cherubini, l’un des titres fétiches de la diva, qui en avait assuré la création sur le sol grec, au Théâtre d’Épidaure, en 1961 ? Logiquement, le choix s’est porté sur la seule version qu’elle ait jamais abordée : celle de Carlo Zangarini (Milan, 1909), en italien (donc Medea), avec les récitatifs chantés composés par Franz Lachner (1803-1890), en 1855.

Coproduit avec le Lyric Opera de Chicago, la Canadian Opera Company de Toronto et le Metropolitan Opera de New York, où il a vu le jour, en septembre 2022, le spectacle de David McVicar, repris ici par Jonathon Loy, a été très bien décrit dans ces colonnes par David Shengold (voir O. M. n° 187 p. 48 de novembre 2022). Nous n’y reviendrons pas dans le détail, sinon pour souligner à quel point son parti pris violemment romantique, voire gothique, épouse les spécificités de la version Lachner/Zangarini, surtout avec, en fosse, un orchestre jouant sur instruments modernes, au son riche et épais.

Entre le changement de langue, le remplacement des dialogues parlés en alexandrins et les choix d’orchestration d’un contemporain allemand de Mendelssohn et Brahms, ce que l’on entend n’a, évidemment, plus grand-chose à voir avec la Médée française d’origine, représentée à Paris, au Théâtre Feydeau, en 1797. Mais cet « omni » (objet musical non identifié) a sa cohérence et sa force, après un début d’acte I un brin longuet.

Le plus étonnant, sans doute, dans la Medea proposée à Athènes, est la résilience de Cherubini. Même dirigée comme du Schumann ou du Verdi – impossible, vu le style de la partition, d’en faire le reproche à Philippe Auguin  –, même mise en scène comme Lucrezia Borgia ou Ernani, même chantée comme Il pirata ou Il trovatore, on entend encore la matrice d’un opéra de la toute fin du XVIIIe siècle. Certes plus la « tragédie lyrique » avec dialogues parlés (d’où l’appellation « opéra-comique ») de 1797, mais une « tragedia lirica » du milieu du XIXe, rappelant beaucoup Norma.

La superbe distribution réunie par le Greek National Opera, entièrement différente de celle du Met, répond parfaitement à ces nouveaux critères. Costumé en héros hugolien, au I, le ténor italien Giorgio Berrugi chante Giasone comme Ernani, avec un timbre pas désagréable et beaucoup de vaillance. De ses partenaires grecs, on retient, en priorité, la somptueuse Neris de la mezzo Nefeli Kotseli, mais la soprano Vassiliki Karayanni se tire fort bien des pièges virtuoses de l’air d’entrée de Glauce, le baryton-basse Yanni Yannissis marquant moins la mémoire en Creonte.

En toute logique, Medea domine les débats, incarnée par une Anna Pirozzi de bout en bout impressionnante. Cultivant certaines couleurs « callassiennes », mais sans excès, et déployant avec générosité cet aigu puissant et tranchant qui en fait la meilleure Abigaille (Nabucco) du moment, la soprano italienne se montre un peu moins arrogante dans le grave, sans pour autant esquiver les difficultés d’un rôle écrasant. La diction perd certes de sa netteté dans les éclats de violence, mais quelle intensité dans les accents, de tendresse comme de rage, et, surtout, quelle émotion dans le phrasé !

Pari gagné, donc, pour le Greek National Opera, et longue vie à la Medea de Franz Lachner et Carlo Zangarini. Tant que l’on n’aura pas trouvé, ou plutôt formé, la perle rare capable de déclamer les alexandrins aussi bien qu’elle chante, cette version demeurera le meilleur moyen de maintenir Médée au répertoire.

RICHARD MARTET


© Andreas Simopoulos

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