Opéras Ariodante à Versailles
Opéras

Ariodante à Versailles

28/12/2025
Catherine Trottmann, Franco Fagioli (au premier plan), Antoine Ageorges, Gwendoline Blondeel, Nicolas Brooymans et Laurence Kilsby. © Edouard Brane

Opéra Royal, 9 décembre

Deux mois après la remarquable reprise à Garnier de la production de Robert Carsen, l’Opéra Royal de Versailles propose une nouvelle mise en scène d’Ariodante. Nicolas Briançon en donne une lecture flatteuse pour l’œil, en transportant l’action des brumes de l’Écosse médiévale vers un XVIIIe stylisé (élégants trompe-l’œil et toiles peintes d’Antoine Fontaine, jolis costumes de David Belugou), mais un peu trop sage, avec une tendance à l’anecdotique voire au gadget, laissant de côté la complexité psychologique. Ainsi le rôle-titre, censé à son arrivée célébrer la nature complice de ses amours, entre-t-il ici avec une brouette pleine de fleurs. Plus tard, des baguettes à papillons sont agitées par les danseurs (Académie de danse baroque de l’Opéra Royal) maison, pour accompagner (par deux fois : une de trop !) les guirlandes vocales du héros ou de sa fiancée.

Ces chorégraphies ajoutées sur nombre d’airs – utiles aussi pour apporter accessoires et décors ! – sont décoratives mais guère originales. On s’étonne en revanche qu’on n’ait pas exploité la formidable valeur dramaturgique des quatre ballets initialement prévus par le compositeur pour conclure l’acte II, où des Songes agréables ou funestes apparaissent à Ginevra endormie. Se réveillant ensuite en sursaut, elle conclut normalement la scène en un saisissant récitatif accompagné (« Che vidi? oh Dei! »).Toute cette séquence est d’ailleurs un des moments phares du spectacle carsénien.

Ici, l’acte se referme bien plus banalement sur le seul air de Ginevra, « Il mio crudel martoro », et si deux entrées de ballets sur quatre ont été conservées, elles servent seulement d’introduction à l’acte III, montrant Dalinda attaquée par les sbires chargés de la supprimer… et échappant sans mal à leurs bondissants assauts ! Superbe en revanche est le duel entre Polinesso et Lurcanio, réglé par Albert Goldberg et Adrien Garcia, et les moments de noir désespoir laissent heureusement tout l’espace à l’émotion par un minimalisme bienvenu. 

À cette mise en scène plaisante mais assez superficielle répond la direction de Stefan Plewniak, d’une énergie brouillonne et manquant de caractérisation, à la tête d’un Orchestre de l’Opéra Royal par moments curieusement déficient, en particulier chez les vents.

Les vrais joies viendront du plateau, dominé par le rôle-titre. On est heureux de voir Franco Fagioli, que l’on avait ces derniers temps trouvé en difficulté, retrouver une certaine intégrité vocale, voire un indéniable panache dans cette partie taillée pour le castrat Carestini. La voix impressionne par sa longueur – mais avec des registres marqués – et ses capacités virtuoses, mais ce chant athlétique se fait plus heurté dans les longues vocalises de « Con l’ali di costanza », air qui lui pose des problèmes de souffle et de justesse. Heureusement, le contre-ténor argentin ne manque ni « Scherza infida », phrasé à la corde et qu’il ose réduire au murmure, ni le feu d’artifice de « Dopo notte », chanté toutes lumières rallumées, en vrai divo adressant tel trait au public des balcons. Une incarnation néanmoins plus spectaculaire que véritablement émouvante, et peinant à évoquer la noblesse ombrageuse du personnage, le fantasque Xerxès étant le seul héros haendélien à pleinement correspondre au chanteur.

À ses côtés, Catherine Trottmann est une Ginevra sensible, au soprano dense à peine troublé par les exubérances du « Volate, amori », et qui touche au sublime dans son air pathétique du II. Voix plus fine, Gwendoline Blondeel traduit toute l’ambivalence de Dalinda, mais le tempo d’enfer imposé à « Neghittosi, or voi che fate? » l’oblige à des vocalises bâclées quasi expressionnistes. C’est au contraire la correction technique et la netteté des coloratures – malgré une tessiture un peu grave pour son ténor léger – qui caractérise Laurence Kilsby, Lurcanio désarmant de gentillesse. De son contre-ténor étonnamment clair, Théo Imart compose un Polinesso plus enfant gâté que pervers cynique. Enfin, Nicolas Brooymans confère une certaine humanité au Roi, mais avec un grave charbonneux et un aigu mal soutenu, sa basse étendue manque de centre.

THIERRY GUYENNE

Nicolas Brooymans (Il Re di Scozia)
Catherine Trottmann (Ginevra)
Franco Fagioli (Ariodante)
Laurence Kilsby (Lurcanio)
Théo Imart (Polinesso)
Gwendoline Blondeel (Dalinda)
Antoine Ageorges (Odoardo)»
Stefan Plewniak (dm)
Nicolas Briançon (ms)
Antoine Fontaine (d)
David Belugou (c)
Jean-Pascal Pracht (l)
Pierre-François Dollé (ch)

Pour aller plus loin dans la lecture

Opéras Lady Macbeth de Mzensk à Milan

Lady Macbeth de Mzensk à Milan

Opéras Hänsel und Gretel à Strasbourg

Hänsel und Gretel à Strasbourg

Opéras Lohengrin à Karlsruhe

Lohengrin à Karlsruhe