1 CD Deutsche Grammophon 486 7186

Dans ce tout nouvel album Mozart, Andrè Schuen dresse le bilan d’une décennie de complicité avec le maître de Salzbourg. Un pari audacieux, qui empile les personnages accessibles à une voix de baryton ou de baryton-basse : Figaro puis le Comte, Guglielmo (du moins l’air « Rivolgete a lui lo sguardo », qui aurait pu lui être destiné), Papageno, Leporello puis Don Giovanni, donc par deux fois le valet puis le maître, voire, dans un récitatif des Nozze, les deux en même temps. Mais le menu est plus riche encore, incluant plusieurs Lieder et airs de concert, jusqu’à la Kleine deutsche Kantate K. 619 et même un rare Komm, liebe Zither, komm K. 351/367b pour voix et mandoline, pendant idéal à la sérénade de Don Giovanni.
Autant d’occasions d’admirer l’une des plus belles voix de notre époque. Legato souverain, timbre crémeux, italien sculpté comme un marbre de Canova : les atouts d’un « Kavalierbariton », mais sans la moindre raideur allemande. Andrè Schuen, enraciné entre deux cultures par ses origines sud-tyroliennes, semble en avoir tiré le meilleur. Et puis sa voix a gagné en plénitude, avec même quelques belles noirceurs et un ambitus devenu franchement exceptionnel, jusqu’à permettre une surenchère d’aigu dans Mentre ti lascio K. 513, au prix, il est vrai, d’un certain resserrement du timbre pour l’atteindre.
Autre atout, les accompagnateurs. D’abord Daniel Heide, complice de toujours, à la subtile palette pianistique d’affects préromantiques ; ensuite Avi Avital, invité de marque à la mandoline ; enfin un Orchestre du Mozarteum de Salzbourg d’un très beau niveau, sous la direction vive mais jamais contrainte de Roberto González-Monjas.
Somme toute, un régal de la première à la dernière plage, avec quelques surprises ornementales et un art de l’enchaînement qui permet de réellement « construire » un récital. Et puis, de la part d’un artiste formé dans l’orbite d’un Nikolaus Harnoncourt, dont il aurait censément beaucoup appris, on apprécie une véritable prise de recul, retour à une esthétique moins à fleur de nerfs. Et l’Orchestre du Mozarteum suit cette même trajectoire sous son nouveau chef, prenant manifestement un grand plaisir à renouer avec un Mozart charnu, fluide, souple… Certains, sans doute, jugeront la proposition un peu trop lisse. Mais que plusieurs interprètes de cette jeune génération osent s’unir, au plus haut niveau, pour s’opposer à la fuite en avant d’une interprétation mozartienne toujours plus agitée et acide, a quelque chose de profondément rassurant.
LAURENT BARTHEL
1 CD Deutsche Grammophon 486 7186
Mozarteumorchester Salzburg, dir. Roberto González-Monjas, Daniel Heide (piano), Avi Avital (mandoline), Nikola Hilledebrand (soprano)
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