Opéras Adriana Lecouvreur à Toulouse
Opéras

Adriana Lecouvreur à Toulouse

04/07/2025
© Mirco Magliocca

Théâtre du Capitole, 20 juin

Qui se rappelle encore Haine, Amour et Trahison, ce film de 1953 dans lequel Brigitte Bardot faisait de timides débuts transalpins ? C’est à ce titre que nous pensions en découvrant cette production d’Adriana Lecouvreur, venue elle aussi d’Italie et où les références au cinéma sont multiples. Nous ne sommes plus sous le règne de Louis XV mais à la veille de la Grande Guerre, lorsque Lyda Borelli, Pina Menichelli et Francesca Bertini devenaient grâce au tout nouveau Septième Art les « déesses » des salles obscures. Créé quelques années auparavant, l’opéra de Francesco Cilea n’est pas si éloigné par sa nature intime des drames mondains qu’elles jouaient alors à l’écran.

Venue d’une pièce de Scribe et Legouvé, l’intrigue située très précisément en 1730 manque parfois de lisibilité, mais elle peut offrir à des interprètes au caractère bien trempé de belles scènes à effet. En la rajeunissant de près de deux siècles, la mise en scène d’Ivan Stefanutti en conserve toujours l’impact dramatique. Réduits à l’essentiel, les décors font référence au Modern Style tandis que les costumes des uns et des autres sont encore ceux de la Belle Époque. Signe des temps nouveaux, le ballet du troisième acte, chorégraphié par Michele Cosentino, a des allures du Prélude à l’après-midi d’un faune tel que le présentaient, en 1912, les Ballets russes.

Par leur jeu qui ne s’embarrasse guère de nuances savantes, les différents interprètes, qu’ils soient solistes, choristes ou simples figurants, vont à l’essentiel : toucher immédiatement le public le plus large. Ajoutons à cela qu’à la tête d’un Orchestre du Capitole toujours aussi rutilant, Giampaolo Bisanti prend à bras-le-corps une partition où le sublime et le conventionnel se côtoient en permanence.

La distribution est là, dans son ensemble, pour attiser sans cesse les passions autour d’un spectacle théâtral qui, immanquablement, se termine en triomphe. Aussi bien Lianna Haroutounian que Judit Kutasi ont le souffle et l’assurance qui doivent animer la comédienne et la Princesse. Dans la lignée de Renata Tebaldi (ce n’est pas rien !), la soprano incarne avec un talent en fusion constante l’héroïne d’une histoire dont elle est à la fois le pivot et la victime. Qu’elle déclame des vers de Racine, qu’elle aime ou qu’elle meure, elle reste toujours une grande actrice en représentation. Quant à la mezzo, comment résister au portrait fulgurant et hargneux qu’elle présente de l’aristocrate, sa terrible rivale ?

À côté d’elles, Nicola Alaimo propose une approche particulièrement subtile du personnage de Michonnet. Ce n’est plus avec lui un simple rôle de composition, tel que le conçoivent des chanteurs aux moyens vocaux plus modestes, mais bien une incarnation sensible, émouvante, si profondément humaine au sein d’un monde où ne semblent régner que les apparences. Roberto Scandiuzzi est un Prince de haute volée tandis que Pierre Derhet, avec une voix saine et fort bien conduite, a le mérite de ne pas réduire l’abbé de Chazeuil à la dimension d’un comparse caricatural. Dans cet opéra où les ensembles vocaux ont aussi leur importance, le reste de la distribution, comme on s’en rend compte dès le lever de rideau, est toujours d’une homogénéité parfaite.

Reste enfin l’une des heureuses surprises de cette soirée. Dans le rôle de Maurizio, on attendait José Cura. Souffrant, il a été remplacé, après une générale difficile, par un ténor italien, Vincenzo Costanzo. On ne peut que se féliciter de sa disponibilité et saluer aussi son métier incontestable. Arrivé à Toulouse la veille de cette première, il a fait plus que la sauver. Son incontestable talent dramatique et sa voix de belle qualité, à l’aigu solide et aux couleurs savamment nuancées, ne peuvent qu’attirer l’attention sur lui. Les ténors capables de répondre sans faillir aux exigences d’un tel emploi ne sont pas si nombreux aujourd’hui !

PIERRE CADARS

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