Éditorial Promesse tenue
Éditorial

Promesse tenue

03/10/2024
Teatro Pergolesi de Jesi. © Opera&Sound Worldwide

En conclusion de mon premier éditorial de l’année, je m’étais engagé à ce qu’Opéra Magazine soit au rendez-vous du 250e anniversaire de la naissance de Gaspare Spontini. Le numéro que vous tenez entre les mains lui est, en partie, consacré.

La logique aurait voulu que j’attende le mois prochain et le jour exact (14 novembre), mais je tenais à la coïncidence avec l’ouverture de la saison de la Fondazione Pergolesi Spontini de Jesi, seule institution à défendre, avec constance, la cause du compositeur. Le premier opéra à l’affiche sera La Vestale, le 18 octobre, en attendant le vrai événement : la résurrection d’I quadri parlanti, le 29 novembre.

Il n’est pas facile de travailler sur Spontini. D’abord, parce que des zones d’ombre demeurent, notamment sur ses premières années de carrière, en Italie, avant son départ pour la France, en 1803. Ensuite, parce que personne, avant les années 1990, n’a mené un véritable travail sur ses œuvres, les rares théâtres à oser La Vestale, Fernand Cortez, Olimpie et Agnes von Hohenstaufen optant pour des traductions italiennes hors sujet – rappelons que les trois premiers titres relèvent du genre de la « tragédie lyrique » française, et le quatrième du « drame lyrique »/« grand opéra historico-romantique » allemand.

Du coup, malgré les efforts menés depuis une trentaine d’années, la discographie, en studio comme sur le vif, est frustrante. Et, si l’on dispose, désormais, d’éditions de référence de La Vestale et ­d’Olimpie, il n’en va pas de même pour Fernand Cortez et, surtout, Agnes von Hohenstaufen. Sans parler de Milton, deuxième des trois « opéras-comiques » créés après l’arrivée de Spontini,  à Paris. Grâce à YouTube, outil tellement précieux pour pallier les lacunes de la discographie, j’ai véritablement découvert cet ouvrage, aussi bref que délicieux, qui mériterait la consécration d’une intégrale en studio. Allô, le Palazzetto Bru Zane !

Si j’ai anticipé l’hommage à Spontini, c’est aussi parce que le prochain numéro sera, en partie, dédié au 100e anniversaire de la disparition de Puccini, à l’occasion de la nouvelle production d’Edgar, à l’Opéra de Nice, le 8 novembre. Celle-ci est l’un des très rares événements d’une année de commémoration, pendant laquelle les théâtres se sont contentés de reprendre, jusqu’à l’overdose, les titres les plus connus. Et l’on doit en remercier Bertrand Rossi, le directeur de la maison.

Comment se fait-il, si l’on en croit le site operabase, qu’à part l’Opéra de Nice, seuls le Festival Puccini de Torre del Lago – c’est la moindre des choses ! – et Opera Holland Park, près de Londres, aient eu l’idée de programmer Edgar, en 2024 ? Certes, le ­deuxième opéra du compositeur (Scala de Milan, 21 avril 1889), ne peut être comparé à Manon Lescaut, qui le suit dans la chronologie (Teatro Regio de Turin, 1er février 1893). Le livret trahit des faiblesses, la partition aussi. Mais elles sont compensées par les splendeurs, plus nombreuses qu’on ne le croit, de ce « dramma lirico », surtout si l’exécution musicale et la réalisation visuelle sont à la hauteur de l’enjeu.

Car là réside la difficulté, comme pour la plupart des opéras rarement joués de musiciens célèbres. La Bohème ou Tosca survivent à des chanteurs et/ou un chef médiocres, et résistent même aux agressions répétées que leur font subir des metteurs en scène à l’ego surdimensionné ! Il n’en va pas de même pour Edgar, dont les fragilités deviennent rédhibitoires, pour peu qu’il soit servi sans le lustre et les égards nécessaires.

Pour ce qui est de la scène, nous attendrons donc, avec impatience, les représentations niçoises. S’agissant du disque, pourquoi Antonio Pappano n’a-t-il pas saisi l’occasion du centenaire pour ajouter une pierre à son cycle Puccini, chez Warner Classics ? Edgar manque toujours, de même que La fanciulla del West. La situation est d’autant plus irritante que le chef britannique, désormais directeur musical du London Symphony Orchestra, a choisi de diriger La rondine, le 10 décembre prochain, au Barbican Hall de Londres, avec, très probablement, un futur disque à la clé, sous le label LSO.

En a-t-on vraiment besoin ? Antonio Pappano a déjà enregistré la meilleure version de l’ouvrage, pour Warner Classics, avec un duo Angela Gheorghiu/Roberto Alagna en état de grâce. Le doublon ne s’impose réellement pas. Edgar, en revanche, n’a toujours pas trouvé de vraie édition de référence… Et si Warner Classics ne souhaite pas se lancer dans l’aventure, une sortie chez LSO serait on ne peut mieux venue.

RICHARD MARTET

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