Éditorial Lueurs d’espoir
Éditorial

Lueurs d’espoir

24/06/2024
A Midsummer Night's Dream au Théâtre de l'Archevêché, à Aix-en-Provence (2015). © Vincent Pontet

Impossible de commencer cet éditorial sans rendre hommage à Jodie Devos, emportée par un cancer du sein, le 16 juin. Opéra Magazine lui rendra plus longuement hommage dans son prochain numéro, mais j’avoue avoir été bouleversé par la disparition de la soprano belge, à seulement 35 ans. Je la connaissais peu, mais à chacune de nos rencontres, j’avais été conquis par sa gentillesse et son intelligence. Et quelle chanteuse !

La période qui s’ouvre est celle des festivals d’été, en particulier pour les deux principaux dédiés, en France, à l’art lyrique : Aix-en-Provence et Orange. L’affiche du premier est aussi prestigieuse qu’alléchante, avec, notamment, la « création » du Samson de Rameau (voir nos pages « Reportage » dans ce numéro). Pour autant, la situation n’est pas au beau fixe.

En avril, la manifestation avait fait état d’un déficit cumulé de 4,2 millions d’euros, pour les exercices 2023 et 2024, chiffre qui avait sidéré la presse et le public, convaincus de sa bonne santé financière, entre imposantes subventions publiques et mécénat florissant. La version de concert des Vêpres siciliennes, qui devait clore cette édition 2024, le 23 juillet, a immédiatement fait les frais d’un plan d’économies, décidé en urgence, avec son report à 2026.

Depuis, le conseil d’administration s’est réuni, le 24 mai, et a annoncé, pour préserver l’avenir, un « financement exceptionnel », sous forme d’avances remboursables, réparti entre l’État et les collectivités locales, pour un total de 1,6 million d’euros, complété par un apport en mécénat, prévu entre 800 000 et 1 million d’euros. En contrepartie, Pierre Audi, directeur général du Festival, a annoncé avoir déjà trouvé 1 million d’économies sur 2024, et réfléchir, en parallèle, à une réorganisation de la programmation.

Qu’entend-il par là ? Après l’inflation du nombre de spectacles, depuis son arrivée, en 2018, son idée est de revenir à quatre nouvelles productions scéniques par an, dont un opéra de Mozart et une création contemporaine. Sont également envisagées des coproductions au niveau régional, entre autres avec l’Opéra de Toulon et les Chorégies d’Orange, pour mutualiser les coûts et augmenter le rayonnement du Festival dans la Région Sud.

Pouvais-je rêver meilleure transition pour aborder l’actualité des Chorégies ? En conférence de presse, le 28 mai, Jean-Louis Grinda, leur directeur, a annoncé voir la sortie de la crise, qui dure maintenant depuis sept ans. Grâce à un changement de statut juridique – SPL (Société Publique Locale) jusque-là, le festival devient EPCC (Établissement Public de Coopération Culturelle) –, l’accès à l’aide de l’État et des mécènes privés est ouvert, en plus des subventions de la Ville d’Orange, du Département de Vaucluse et, surtout, de la Région Sud. Celle-ci, qui restera la première contributrice, avait, rappelons-le, sauvé la manifestation, en 2018, du naufrage financier.

Les conséquences sont multiples. Jean-Louis Grinda, d’abord, va pouvoir anticiper le programme des futures éditions, sans avoir l’horizon bouché au-delà d’un an. Ensuite, après un été 2024 qui verra un seul opéra, en version de concert, de surcroît – Tosca ­réunira, quand même, Aleksandra Kurzak, Roberto Alagna et Bryn Terfel, le 22 juillet –, 2025 devrait en accueillir deux, l’idée étant de revenir, le plus souvent possible, à la version scénique. Le directeur a cité des titres, sans préciser la date de leur programmation : La Damnation de Faust, Norma, Nabucco, Salome, La traviata et Lucia di Lammermoor, coproduite avec Macerata Opera (voir O. M. n° 196 p. 64 d’octobre 2023).

Jean-Louis Grinda, comme Pierre Audi, a également parlé de la collaboration entre Aix-en-Provence et Orange, qui permettra aux deux festivals d’engager l’Orchestre des Jeunes de la Méditerranée, des chanteurs en début de carrière, et de donner un opéra en version de concert.

Dans le début d’été morose que nous traversons, ces nouvelles ont quelque chose de réconfortant. Même si elle ne compte vraiment pas parmi les priorités de certaines formations politiques, la culture doit rester un phare dans nos sociétés. Et, pour ce qui est de l’opéra, il doit continuer à faire rêver, en assumant, sauf quand l’intrigue ne s’y prête pas, cette dimension de divertissement que tant de metteurs en scène persistent à lui refuser.

Bon été et bons festivals !

RICHARD MARTET

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