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Éditorial

L’opéra au futur (éditorial du numéro d’avril)

29/03/2023

L’annonce de la prochaine saison de l’Opéra National de Paris est, traditionnellement, l’un des rendez-vous les plus attendus du début du printemps. Sur les vingt opéras à l’affiche, à partir du 13 septembre 2023, quatre ont immédiatement attiré mon regard.

Le premier est Beatrice di Tenda, l’un des opéras les plus rares de Bellini, dont la postérité n’a jamais vraiment reconnu les réelles qualités dramatiques et musicales. Mise en scène par Peter Sellars, avec Tamara Wilson dans le rôle-titre et Pene Pati dans celui d’Orombello (on l’imagine déjà attaquant le sublime trio de l’acte II, « Angiol di pace » !), cette entrée au répertoire de l’ONP s’annonce comme un événement.

Même chose pour la première française de The Exterminating Angel de Thomas Adès, l’une des créations lyriques majeures de ces vingt dernières années (Salzbourg, 2016). Alexander Neef, directeur de la maison, fait, là encore, l’effort d’une nouvelle production, commandée à Calixto Bieito, qui devrait exceller dans cet univers, inspiré par le film éponyme de Luis Buñuel (El angel exterminador, 1962).

Adorant Street Scene de Kurt Weill (Philadelphie, 1946/New York, 1947), qu’Alexander Neef définit, à juste titre, comme l’un des opéras américains les plus importants, je me réjouis de le revoir. Il s’agira d’une coproduction avec la MC93-Maison de la Culture de Seine-Saint-Denis, à Bobigny, où auront lieu les représentations, dans une mise en scène de Ted Huffman, avec les artistes de l’Académie de l’ONP.

Last but not least, une nouvelle production de La Vestale conclura en beauté la saison. Le chef-d’œuvre de Spontini, créé à l’Opéra de Paris (Salle Montansier), en 1807, n’y a plus été représenté, en français, depuis 1854 ! Une injustice sera donc réparée, avec une distribution alléchante (Elza van den Heever, Eve-Maud Hubeaux, Michael Spyres, Julien Behr, Jean Teitgen). Personnellement, j’aurais préféré le Palais Garnier à l’Opéra Bastille pour ce retour attendu, mais je me garderai de me plaindre, tant ce répertoire de la « tragédie lyrique » française du début du XIXe siècle a besoin d’être défendu. Reste à espérer que Lydia Steier, que l’on sait capable du meilleur comme du pire, fera preuve de tact dans sa mise en scène…

Les autres titres au programme ne sont plus des raretés, ce qui n’empêche pas leurs affiches d’accrocher immédiatement l’œil. Ainsi de la nouvelle production de Lohengrin, dirigée par Gustavo Dudamel et mise en scène par Kirill Serebrennikov, avec Piotr Beczala dans le rôle-titre et Nina Stemme en Ortrud, ou de celle de Médée de Charpentier, créée à l’Opéra de Paris (première salle du Palais-Royal), en 1693. Encore un retour très attendu, d’autant que William Christie, éminent serviteur du compositeur, sera au pupitre, dans une mise en scène de David McVicar, annoncée comme entièrement nouvelle, mais dont le descriptif (« David McVicar transpose l’action pendant la Seconde Guerre mondiale ») et l’équipe de réalisation rappellent celle donnée à Londres, puis Genève, en 2013 et 2019.

Côté reprises, je retiens Turandot (Sondra Radvanovsky et Tamara Wilson, en alternance dans le rôle-titre !), L’Affaire Makropoulos (Karita Mattila en Emilia Marty !), Les Contes d’Hoffmann (Benjamin Bernheim en Hoffmann, Rachel Willis-Sørensen en Antonia !), Adriana Lecouvreur (les affrontements Anna Netrebko/Ekaterina Semenchuk, Anna Pirozzi/Clémentine Margaine !), Giulio Cesare (Lisette Oropesa en Cleopatra, Emily D’Angelo en Giulio Cesare, Marianne Crebassa en Sesto !), La traviata (Nadine Sierra en Violetta Valéry, face à Ludovic Tézier en Giorgio Germont !) et Salome (Lise Davidsen en princesse de Judée !). Et quelle bonne idée de remplacer la peu intéressante mise en scène de Don Giovanni par Ivo van Hove, par celle imaginée par Claus Guth pour Salzbourg et Berlin !

Comme toujours, certains choix de distribution ou de chef ne m’inspirent guère, mais c’est la règle du jeu et, sur l’ensemble, cette programmation 2023-2024 me semble à la hauteur de la réputation de l’institution.

Au Théâtre des Champs-Élysées, qui vient également d’annoncer sa future saison, six opéras seront proposés en version scénique. La nouvelle production de Die Zauberflöte aligne une impressionnante série d’atouts maîtres : François-Xavier Roth au pupitre, Cyrille Dubois en Tamino, Florian Sempey en Papageno… avec, pour joker, les débuts du cinéaste Cédric Klapisch dans la mise en scène lyrique. Fort attirantes, également, les affiches de Boris Godounov, confié à Olivier Py, qui marquera les débuts de Matthias Goerne dans le rôle-titre, et de L’Olimpiade de Vivaldi, dirigée par Jean-Christophe Spinosi, avec Jakub Jozef Orlinski et Marina Viotti en tête de distribution.

Les opéras en version de concert donnent le vertige : Sabine Devieilhe et Reinoud Van Mechelen dans Les Boréades de Rameau ; Véronique Gens dans Iphigénie en Tauride de Desmarest (achevée par Campra), puis Alceste et Atys de Lully ; Cecilia Bartoli et Carlo Vistoli dans Giulio Cesare ; Franco Fagioli dans Tolomeo du même Haendel ; le premier Siegmund de Stanislas de Barbeyrac, dans Die Walküre, face à Elza van den Heever en Sieglinde et Tamara Wilson en Brünnhilde, sous la baguette de Yannick Nézet-Séguin…

On attend maintenant, avec impatience, la saison 2023-2024 de l’Opéra-Comique et du Châtelet.

RICHARD MARTET

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