Georg Zeppenfeld (Heinrich der Vogler) – Piotr Beczala (Lohengrin) – Anna Netrebko (Elsa von Brabant) – Tomasz Konieczny (Friedrich von Telramund) – Evelyn Herlitzius (Ortrud) – Derek Welton (Der Heerrufer des Königs)
Sächsischer Staatsopernchor Dresden, Staatskapelle Dresden, dir. Christian Thielemann. Mise en scène : Christine Mielitz. Réalisation : Tiziano Mancini (16:9 ; stéréo : PCM ; DTS 5.0)
2 DVD Deutsche Grammophon 00440 073 5319
Le Semperoper de Dresde avait réussi un joli coup, en mai 2016, en réunissant une distribution d’exception pour la reprise de sa vieille production de Lohengrin, signée par Christine Mielitz à l’époque communiste : les débuts d’Anna Netrebko et de Piotr Beczala en Elsa et Lohengrin, mais aussi Evelyn Herlitzius en Ortrud, Tomasz Konieczny en Telramund et Georg Zeppenfeld en Heinrich, le tout sous la direction de Christian Thielemann (voir O. M. n° 119 p. 47 de juillet-août 2016).
La presse allemande avait fait assaut de titres ébahis, Die Welt parlant de « Lohen-dream » et le Münchner Merkur de « Schwannsinn ». Certains médias y avaient même vu une préfiguration du très attendu Lohengrin de Bayreuth 2018, spéculant sur le fait que Beczala remplacerait peut-être Roberto Alagna, aux côtés de Netrebko, sous la baguette du même Thielemann.
Vanité des pronostics ! On sait aujourd’hui qu’Alagna fera, sauf accident, ses débuts en Lohengrin, l’été prochain, sur la verte Colline, et que Netrebko ne sera plus de la partie, remplacée par Anja Harteros. C’est que, depuis 2016, elle a renoncé au rôle d’Elsa, ce qui donne à ce DVD un parfum d’autant plus particulier qu’il demeurera unique.
Globalement, la prestation de la soprano russo-autrichienne est des plus convaincantes : intonation impeccable, rondeur du timbre, contrôle du vibrato, incarnation passionnée, quoique parfois un peu gauche scéniquement, ce que les gros plans soulignent. C’est donc vraisemblablement le texte, et la langue allemande, qui lui posent problème.
Certes, Anna Netrebko n’a jamais été la reine de l’articulation, mais ici, bien davantage qu’en italien, sa diction est hésitante, avec des consonnes manquant de mordant. On remarque d’ailleurs, plus d’une fois, et notamment dans la scène de la chambre nuptiale – les gros plans, -encore ! –, qu’elle a les yeux rivés sur le prompteur plutôt que sur son partenaire.
Piotr Beczala, en revanche, gagne beaucoup au DVD. Si, dans la salle, la voix pouvait sembler sous-dimensionnée à l’acte I, ce handicap est corrigé par les micros. Reste le meilleur : le timbre séduisant, les phrasés suaves, les riches couleurs, les nuances raffinées, surtout dans « Das süsse Lied… » et « In -fernem Land ».
Georg Zeppenfeld confirme son Heinrich de référence, entre articulation de chanteur de lied et puissance tranquille, tandis que Tomasz Konieczny « fait le job » en Telramund : la voix est correcte, sans être exceptionnelle, et l’acteur convaincant. Reste Evelyn Herlitzius, dont on connaît l’Ortrud de feu : le timbre est parfois strident, la comédienne surjoue par moments, mais sa maîtrise du rôle est confondante.
Dans la fosse, Christian Thielemann démontre le chef wagnérien de référence qu’il est devenu – servi, il est vrai, par une superbe Staatskapelle de Dresde, qui fait bien mieux que jouer dans son arbre généalogique.
Créée en 1983, la mise en scène semblera forcément traditionnelle à l’aune des canons actuels. Mais, tout en évitant le naturalisme pur, elle ne manque pas de panache, avec ses décors grandioses et ses uniformes amalgamant différentes époques. Le lyricophile n’en attendra pas de regard neuf sur l’œuvre, ni même des prodiges de direction d’acteurs, mais n’est-ce pas, avant tout, pour sa distribution que l’on se précipitera sur ce Lohengrin ?
NICOLAS BLANMONT