Premier opéra enregistré (septembre 2017, en studio) dans le cadre du passionnant « Stradella Project » initié par Andrea De Carlo (voir O. M. n° 138 p. 70 d’avril 2018), La Doriclea est une partition notable, probablement composée au début des années 1670. Redécouverte, semble-t-il, en 1938, par un organiste à Rieti, l’œuvre s’impose par sa profusion mélodique et son large éventail d’affects, dans la mouvance des comédies dites de cape et d’épée, genre spécifique du théâtre espagnol qui s’était répandu dans l’Italie au XVIIe siècle.

Si la dramaturgie demeure quelque peu convenue, avec ses deux couples de jeunes aristocrates amoureux – Doriclea (soprano) et Fidalbo (contralto), Lucinda (soprano) et Celindo (ténor) – et ses deux figures comiques plus âgées – la nourrice Delfina (contralto) et le serviteur Giraldo (baryton) –, la musique se montre d’une rare variété et d’une perpétuelle imagination.

En dépit de l’instrumentarium restreint, voulu semble-t-il par Stradella (neuf musiciens au total), la direction du chef italien Andrea De Carlo parvient à sublimer les innombrables jeux stylistiques de l’écriture. À ce propos, il faut rendre grâce aux inflexions habitées de l’ensemble Il Pomo d’Oro, tout spécialement à la fluidité lumineuse du violon de Zefira Valova. Quant aux six chanteurs, ils investissent sans relâche les moindres récitatifs, mais aussi la myriade d’airs, de duos et de lamenti qui émaillent l’ouvrage.

D’une distribution brillante, à défaut d’être irréprochable, se détache Emöke Barath, l’éloquence même en Doriclea. Dès l’impulsif « Astri, oh voi ch’in ciel rotate », la soprano hongroise enivre par l’alliage subtil de sa diction agissante et de son phrasé pulpeux. Parmi les nombreuses pages qui lui sont dévolues, il faut impérativement jeter une oreille au divin « Mio core a piangere » de l’acte III.

En amoureux ardent, le contre-ténor espagnol Xavier Sabata convainc, sans être idéal. Alors que son timbre s’apparie bien avec celui de sa partenaire dans les duos Doriclea/Fidalbo, ses airs le montrent parfois à court de ressources dans le grave.

Giuseppina Bridelli est une belle Lucinda, face au Celindo de Luca Cervoni, au chant tour à tour affirmé et sensible. En contrepoint, le duo comique incarné par Riccardo Novaro et Gabriella Martellacci impose une expressivité de tous les instants.

CYRIL MAZIN

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