CD / DVD / Livres Sabine Devieilhe : Chanson d’amour
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Sabine Devieilhe : Chanson d’amour

28/09/2020

Au disque, les récitals de Sabine Devieilhe font l’objet de périodes de maturation relativement longues et, à chaque fois, leur écoute nous vaut l’enchantement d’un travail parfait. Il y a trois ans, lors de la parution, chez Erato, de Mirages, compilation avisée d’airs d’opéra français et de mélodies, Richard Martet soulignait déjà l’intelligence de la composition du programme, d’une grande subtilité dans les associations et les enchaînements, ainsi que la séduction d’une voix ravissante (voir O. M. n° 133 p. 72 de novembre 2017).

On peut reprendre ces termes à l’identique pour Chanson d’amour, récital de mélodies au programme un peu plus habituel – encore que, comme le soulignait pertinemment Alexandre Tharaud dans Opéra Magazine, le mois dernier, les mélodies de Ravel soient de plus en plus rarement interprétées de nos jours. Peut-être parce que leur idiomatisme pointilliste effraie, et pourtant, ici, quelle évidence !

Dans une ambiance lumineuse mais jamais sèche (enregistrement studio de mars 2019), soprano et pianiste détaillent amoureusement chaque facette, et toujours avec un prodigieux sens de l’échange. Musicalité de l’accompagnement et frémissements du chant semblent constamment se ressourcer, l’un sous l’impulsion de l’autre. Davantage qu’un duo, une osmose, aussi parce que les deux tempéraments sont parfaitement équilibrés : une grande voix et un grand concertiste, confrontation à valeur égale, à laquelle le disque nous habitue moins souvent dans la mélodie française que dans le lied.

Un équilibre bien respecté par la prise de son : chacun à sa place, voix ni trop agressive (parce que trop proche), ni noyée dans un flou douillet (parce que trop éloignée). La perspective est très naturelle, et fait ressortir idéalement une diction dont pas une syllabe ne nous échappe. Cette clarté des textes est fondamentale dans la mélodie française, évidence dont certains interprètes ont pourtant tendance à se méfier aujourd’hui, de peur de paraître démodés en chantant trop « pointu ».

Or, Sabine Devieilhe nous démontre, avec un naturel confondant, qu’on peut chanter ce répertoire intelligiblement, sans paraître ni apprêtée, ni défraîchie. À cet égard, ses Ariettes oubliées de Debussy sont exemplaires et, là encore, idéalement soutenues par un piano aux envoûtantes rechanges de couleurs. De même pour quelques Poulenc triés sur le volet, qui font rêver d’un récital complet.

Apprécions aussi la pureté de style d’Après un rêve, mélodie si souvent défigurée par des voix internationales à l’élocution visqueuse, et l’art de donner un juste poids même aux textes futiles de certaines autres pièces de Fauré, que la soprano française ennoblit par des prouesses de fluidité de l’expression. « Notre amour est chose légère/Comme les parfums que le vent/Prend aux cimes de la fougère/Pour qu’on les respire en rêvant » : ce pourrait être niais, alors que, dès ces premiers vers du numéro 2 de l’opus 23, un charme immédiat se dégage et ne nous lâche plus.

Et quand, au détour d’une phrase, la voix de Sabine Devieilhe, cristalline et pourtant substantielle, s’envole vers le suraigu, eh oui, « C’est l’extase » !

LAURENT BARTHEL

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