Opéras Werther soulève l’enthousiasme à Marseille
Opéras

Werther soulève l’enthousiasme à Marseille

25/03/2022

Opéra, 17 mars

Présentée sans limite de jauge, sans masque, ni passe vaccinal, avec l’orchestre dans la fosse, cette reprise de Werther tourne-t-elle, enfin, la page ? Elle permet à un public enthousiaste de retrouver l’œuvre, absente de l’Opéra de Marseille depuis 1998. Opéra Magazine a rendu compte de la mise en scène élégante de Bruno Ravella, lors de sa création à Nancy, en 2018 (voir O. M. n° 140 p. 53 de juin) et Richard Martet en a salué la réapparition à Montpellier, en 2021 (voir O. M. n° 174 p. 52 de juillet-août). Nous n’y reviendrons pas.

L’accueil est mérité. Il applaudit une direction musicale exceptionnelle, mais aussi une distribution homogène. Victorien Vanoosten a médité sur les exigences propres à l’art lyrique français et sur l’alliance très spécifique du texte, des lignes mélodiques, des subtilités orchestrales dans l’œuvre de Massenet. À Marseille, déjà, sa direction d’Hérodiade, en 2018, avait subjugué. Pour Werther, il allie la rigueur et l’allant dramatique, et résout magistralement le problème de l’équilibre fosse/plateau.

Sous sa battue souple et précise, l’Orchestre de l’Opéra de Marseille, en grande forme, rend justice aux raffinements de l’écriture du compositeur. Le Prélude aux thèmes finement dessinés, l’interlude « La Nuit de Noël » donnent le sentiment de pénétrer au cœur du drame par la magie instrumentale, comme dans les chefs-d’œuvre chambristes.

Thomas Bettinger, Werther essentiellement lyrique dans « Ô nature, pleine de grâce » et le duo « du clair de lune », se montre capable d’élans fougueux (la fin de l’air « Lorsque l’enfant revient d’un voyage avant l’heure »). Il assume un vaillant « Pourquoi me réveiller », puis la scène de la mort, pleine de retenue, retrouve le caractère du romantisme initial.

La sûreté technique, la fraîcheur du timbre, la grâce caractérisent l’interprétation de Charlotte par Antoinette Dennefeld. Ludivine Gombert offre une Sophie à la voix pleine et brillante, sans afféterie. Avec Marc Scoffoni, le rôle d’Albert redevient ce qu’il doit être, central et décisif. La diction, le phrasé, le grain de la voix servent remarquablement l’évolution du personnage, de la sincérité heureuse (« Elle m’aime ! Elle pense à moi ! ») jusqu’à la froide détermination du justicier implacable.

Marc Barrard demeure un Bailli plein de bonhomie, veuf assez peu affligé, qu’entraînent sans difficulté ses compères – les excellents Schmidt et Johann de Marc Larcher et Jean-Marie Delpas –, experts en hymnes bachiques. Les enfants de la Maîtrise des Bouches-du-Rhône, préparés par Samuel Coquard, jouent et chantent à ravir.

Satisfaction en miroir : la présence dans la salle de jeunes spectateurs, à l’évidence émerveillés.

PATRICE HENRIOT


PHOTO © CHRISTIAN DRESSE

Pour aller plus loin dans la lecture

Opéras Turandot vulgaire et toc à Bruxelles

Turandot vulgaire et toc à Bruxelles

Opéras L'Olimpiade pour rire à Paris

L'Olimpiade pour rire à Paris

Opéras The Merry Widow façon West End à Glyndebourne

The Merry Widow façon West End à Glyndebourne