Opéra, 6 février
Si l’on connaît déjà bien les atours, on ne peut plus classiques, de cette Traviata de l’Opéra de Marseille, créée en juin 2014, et reprise en décembre 2018 (voir, en dernier lieu, O. M. n° 147 p. 47 de février 2019), on retrouve, avec plaisir, l’efficiente mise en scène de Renée Auphan – restituée, pour l’occasion, par Yves Coudray. Dans cet écrin visuel bien calibré, dont les costumes de Katia Duflot soulignent avec raffinement les partis pris, les personnages n’ont plus qu’à laisser libre cours à leurs élans.
Le couple formé par Ruth Iniesta et Julien Dran, en Violetta et Alfredo, affiche, à cet égard, de très belles dispositions scéniques et vocales. De fait, la soprano espagnole prend toujours plus d’assurance, au fil de l’opéra, malgré une couleur qui n’est pas d’une immédiate séduction.
Grâce à des appuis très nuancés, son instrument se déploie, néanmoins, magnifiquement et touche, dès lors qu’elle est piquée au vif de l’émotion. Son brillant « Sempre libera », couronné d’un contre-mi bémol frondeur, contraste avec sa lente agonie, portée au paroxysme avec une retenue remarquable.
Face à elle, le ténor français fait valoir ses qualités habituelles – diction soignée, luminosité du timbre, sensibilité sans esbroufe –, et trouve, avec ce rôle, un accomplissement notable dans sa carrière : « Un di, felice, eterea », superbe de délicatesse, n’a d’égal qu’un impeccable « Oh mio rimorso ! ».
Dans leur sillage, le Germont père de Jérôme Boutillier semble un rien plus corseté, comme bridé par la rigueur affichée de son personnage. Aussi, « Di Provenza il mar, il suol », entonné avec trop de rectitude, perd-il de sa portée.
Le reste de la distribution n’appelle, quant à lui, aucune réserve. Mentionnons les inflexions rassurantes de l’Annina de Svetlana Lifar, ainsi que les élans toujours expressifs du Chœur.
À la tête de l’Orchestre de l’Opéra de Marseille, la cheffe italienne Clelia Cafiero déconcerte, en revanche, une nouvelle fois, par sa direction, certes raffinée, mais sans véritable tension. Comme dans Carmen, ici même, en février 2023, sa battue manque de nerf et d’intensité.
Au bout du compte, les actes s’enchaînent sans distiller beaucoup de couleurs, ni varier les dynamiques. L’impression est d’autant plus regrettable que tous les pupitres, apparemment très réceptifs à ses indications, se distinguent par une belle cohésion. Quel dommage !
CYRIL MAZIN