Opéras Un Giulio Cesare fluide à Francfort
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Un Giulio Cesare fluide à Francfort

04/04/2024
Lawrence Zazzo (Giulio Cesare), Nils Wanderer (Tolomeo) et Jarrett Porter (Curio). © Monika Rittershaus

Opernhaus, 24 mars

Francfort ne met que peu d’opéras baroques à son répertoire, Giulio Cesare faisant notablement exception, avec une production précédente, remontant à 2012 – un travail, à l’époque, plutôt hétéroclite, signé par Johannes Erath. Confié, cette fois, à Nadja Loschky, ce nouvel essai s’avère mieux construit ou, en tout cas, d’une efficacité suffisante, pour autoriser une représentation de l’ouvrage sans trop de coupures.

Au crédit de cette tentative, une continuelle fluidité, grâce à un décor mobile, succession d’alvéoles accolées, de faible profondeur, coulissant très lentement de la droite vers la gauche. À raison, en principe, d’une ambiance nouvelle par air, on voit donc apparaître progressivement, à chaque fois, côté cour, la pièce suivante, alors que la précédente disparaît, côté jardin, l’ensemble restant décliné dans une sobre palette de blancs cassés et de gris. À l’avant-plan, un tapis roulant permet quelques intéressants effets de déambulation, en faisant du surplace, mais aussi de faire entrer ou sortir divers éléments, mobilier, alignements de bustes, voire cadavres.

Plastiquement, l’ensemble reste d’un néo-classicisme prudent, pimenté de quelques anachronismes : une vitrine de musée, pour le corps décapité et ensanglanté de Pompeo, un curieux réfrigérateur, dans lequel Achilla stocke de grandes quantités de lait en briques… Fantaisie sans excès, que l’on retrouve, aussi, dans les costumes – chemise blanche, cravate noire et kilt en cuir, pour les Romains, drapés plus élégants, pour les Égyptiens, et même une peu seyante tenue de collégien en culotte courte, pour Sesto.

On ressent, surtout, une volonté délibérée de meubler le temps qui passe, chaque air amenant, dans les mains des chanteurs, de nouveaux accessoires, afin qu’ils ne restent pas les bras ballants. Quelques séquences sont un peu plus cruelles, dont une scène de torture, où Tolomeo passe un mauvais moment, plaqué au fond de sa baignoire, mais ce n’est que justice, le personnage et ses sbires, dont un Achilla très brutal, restant vraiment peu sympathiques.

Rien d’offensant, donc, mais rien de bien marquant, non plus. Et ce qui sort de la fosse appelle le même commentaire. Simone Di Felice dispose d’une certaine expérience de l’opéra baroque, qu’on perçoit bien dans l’emploi de quelques instruments anciens et de cordes en boyau, l’orchestre maison se prêtant docilement à ces expérimentations. Le problème reste un relatif sous-dimensionnement – moins de trente instrumentistes, c’est trop peu, pour une salle de ce volume.

En revanche, la distribution réserve plusieurs bonnes surprises, dont la prise de rôle de Pretty Yende, Cleopatra séduisante, sensible musicienne, qui exploite toutes les ressources d’une voix fruitée et longue. Si « Piangero » est bien le moment de grâce attendu, toutes les ornementations des da capo sont d’un goût non moins parfait, la fin de « Da tempeste » tournant même au feu d’artifice.

Excellents débuts, encore, de Claudia Ribas et Bianca Andrew, en Cornelia et Sesto, leur élégiaque duo (« Son nata a lagrimar ») marquant un autre point culminant de la soirée. Et le contre-ténor Iurii Iushkevich est, aussi, une révélation, dans le court rôle de Nireno.

Lawrence Zazzo n’a plus, en revanche, à ce stade de sa carrière, la vélocité nécessaire pour les vocalises de Giulio Cesare, même s’il en demeure un titulaire crédible, tandis que son jeune collègue Nils Wanderer ne dispose vraiment pas d’un bagage technique suffisant pour chanter correctement Tolomeo. Cela dit, l’acteur, sorte de Caligula maniéré, d’une évidente perversité, reste, de bout en bout, assez étonnant.

LAURENT BARTHEL

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