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Un Fidelio moins universel qu’anachronique à Washington

12/11/2024
Sinéad Campbell Wallace (Leonore) et Jamez McCorkle (Florestan). © Cory Weaver

Kennedy Center, Opera House, 25 octobre

Le seul opéra de Beethoven aura souvent les faveurs des maisons américaines, en 2024-2025. Fidelio a ouvert la saison du Washington National Opera (WNO), quelques semaines après avoir été joué au Lyric Opera de Chicago, avec Elza van den Heever, tandis que le Metropolitan Opera de New York le reprendra, en mars prochain, avec Lise Davidsen, sous la baguette de Susanna Mälkki.

Robert Spano, futur directeur musical du WNO, chef talentueux et expérimenté, offre une lecture orchestrale soignée, mais dépourvue de tension dramatique. Il y a lieu de regretter qu’il ne se soit pas opposé à la mise en scène de l’Ouverture, à la fois bruyante et gênante, de la directrice artistique de la compagnie, Francesca Zambello.

On peut apprécier qu’elle ait souhaité résumer les antécédents de l’intrigue, en montrant un Florestan et une Leonore ordinaires, dans un appartement de banlieue des années 1950 – il n’est apparemment plus acceptable que des activistes politiques soient issus de la noblesse –, faisant leurs adieux à leurs enfants, prenant part à une manifestation réprimée par la police, entraînant l’arrestation du premier et la transformation de la seconde en homme. Exécuté efficacement, tout cela aurait pu l’être en silence…

Excepté les clichés habituels de ses productions, Francesca Zambello met en scène une partie de l’action simplement et de façon convaincante. Certaines décisions n’en paraissent pas moins maladroites.

Les décors abstraits d’Erhard Rom permettent de se concentrer sur les protagonistes, tandis que, comme souvent aujourd’hui, les costumes, mais aussi la typographie des titres de journaux et des pancartes des manifestations, renvoient à des périodes historiques différentes, tendant, non vers l’universalité, mais vers l’anachronisme.

Les quatre principaux chanteurs débutaient au WNO, ce qui peut expliquer certaines inégalités vocales. Leonore d’allure jeune et ardente, Sinéad Campbell Wallace maîtrise l’idiome sur le plan linguistique. Mais, même sans être comparée à Elza van den Heever ou Lise Davidsen, la soprano irlandaise apparaît, pendant la majeure partie de la soirée, comme une solide Eva (Die Meistersinger von Nürnberg) de province, tentant sa chance. Si quelques notes résonnent avec clarté, l’instrument, qui ne se distingue pas par une qualité particulière, est affligé d’un trémolo persistant. Bien meilleur est le Florestan investi, musicalement précis, du ténor américain Jamez McCorkle.

Inévitablement habillé en nazi, le baryton-basse australien Derek Welton déçoit avec son Don Pizarro étouffé. Une indisposition ? Le Rocco juvénile de l’Américain David Leigh révèle un bon chanteur, au timbre sain, mais n’est pas – encore – pleinement cette basse profonde, à laquelle on est habitué dans le rôle.

La prestation la plus agréable vient de sa compatriote Tiffany Choe, Marzelline plus audible dans les ensembles que Leonore. Quant au chœur masculin, il se montre émouvant dans « O welche Lust » – encombré par le chien que Francesco Zambello se croit obligée de faire monter sur scène, en plein milieu.

Au finale, l’entrée de la mezzo Denyce Graves – originaire de Washington, où elle est vénérée telle une icône – dans le rôle du Premier ministre, Don Fernando, évoquant Kamala Harris dans son tailleur-pantalon blanc, déclenche les applaudissements. Sa présence de star et son phrasé bien senti n’y sont, certes, pas pour rien, malgré l’usure de l’instrument. Et l’ensemble « O Gott ! Welch ein Augenblick ! » s’avère touchant, en ces temps politiques troublés.

DAVID SHENGOLD

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