Théâtre des Champs-Élysées, 8 décembre
Pérennisée par le DVD, chez Erato, dès sa création, en 2013, au Théâtre des Champs-Élysées, puis vue et revue, à Bruxelles et Toulouse (voir, en dernier lieu, O. M. n° 157 p. 56 de janvier 2020), la production d’Olivier Py offre, pour sa seconde reprise in loco, réglée par Daniel Izzo, une représentation peut-être supérieure, encore, à celles qui ont précédé. À commencer par la prononciation et la diction impeccables de tous.
On mettra en avant la prise de rôle de Vannina Santoni, qui ajoute, avec Blanche de la Force, une nouvelle perle à sa (déjà) riche couronne : homogénéité du registre et beauté du timbre, parfait legato, naturel et émotion de l’incarnation, sans oublier une constante intelligence du texte.
Tout est, ensuite, dans l’alliage subtil de personnages féminins judicieusement différenciés, où l’on retrouve des chanteuses plus que familières du compositeur. Saluons d’abord, avec une admiration renouvelée, Sophie Koch, Mère Marie à l’origine, et à présent Madame de Croissy, sublime dans la toujours fascinante, et bouleversante, agonie de la Prieure, accrochée, puis crucifiée dans son lit, sur le mur du fond, sous un éclairage rasant.
Blanche dès la création de la production, Patricia Petibon, en très belle voix, est, cette fois, une Mère Marie d’une pureté à elle seule bouleversante, et d’une puissance d’incarnation que concentre encore, mieux que dans d’autres rôles, le dépouillement du jeu.
Le soprano plus sombre de Véronique Gens continue d’assurer, avec une belle conviction, le contraste entre Madame Lidoine, la nouvelle Prieure, et les Sœurs qu’elle régente, toutes parfaites. Parmi elles, on apprécie la Constance de Manon Lamaison, qui allie rondeur de l’instrument et grâce touchante.
Côté masculin, Alexandre Duhamel, dans le Marquis, joint la noblesse naturelle du geste à l’autorité de l’émission, tandis que l’excellent Loïc Félix donne tout son relief à l’Aumônier. Mais il faut faire une place à part à l’étonnant Chevalier de Sahy Ratia, dont le timbre très clair et l’aigu éclatant, comme l’intensité de présence, crèvent l’écran.
Nouvel atout, enfin, avec la cheffe américaine Karina Canellakis, qui se coule, comme tout naturellement, dans le langage de Poulenc, à la tête d’un orchestre Les Siècles particulièrement pertinent, de même que le chœur Unikanti.
Après le tableau final, autre sommet de la production, une salle comble fait un triomphe à l’ensemble, qui renouvelle une des plus belles réussites du Théâtre des Champs-Élysées.
FRANÇOIS LEHEL