Opéras Tosca en thérapie à Dijon
Opéras

Tosca en thérapie à Dijon

31/05/2024
Laure Descamps et Monica Zanettin (Tosca). © Mirco Magliocca

Opéra, 18 mai

Peut-on encore parler de Tosca, sans Floria Tosca ? C’est la question que l’on se pose, face à cette nouvelle production de l’Opéra de Dijon, signée par son directeur, Dominique Pitoiset. Car, ici, pas d’héroïne flamboyante, vivant d’art et d’amour. Tout le projet de la mise en scène – ou « reconsidération dramaturgique », comme le dit le programme de salle – est de nous faire vivre une thérapie grandeur nature : le spectacle est une réminiscence des souvenirs traumatiques d’une diva, que son mari, absent de  l’action, cherche à guérir par le jeu.

Ainsi, cette Tosca s’ouvre à la manière du célèbre  roman Ils étaient dix (And Then There Were None) d’Agatha Christie : sept chanteurs entrent sur le plateau, conviés par une lettre. Alors, la voix du mari se fait entendre, expliquant à ces interprètes que son épouse souffre de troubles psychotiques. Il leur propose de participer à une cure analytique hors norme, passant par la fiction.

On comprend, grâce au double de Tosca enfant, que la diva a été abusée sexuellement durant sa scolarité. Ces souvenirs refont surface au cours du spectacle, et hantent la chanteuse. C’est, dès lors, l’histoire d’une femme poussée au meurtre par les violences masculines, qui intéresse Dominique Pitoiset.

Car, pour ce qui est de l’action, elle se joue sur un plateau réduit au strict minimum : des chaises, un grand rideau noir, qui cache ou dévoile le fond de scène – où apparaissent la salle de torture, le cercueil de Cavaradossi –, et un banc, puis un sofa et un piano à queue, au II. Pas d’église, pas de grand portrait de l’Attavanti, et moins encore de Château Saint-Ange, puisque le drame se clôt chez Tosca.

Le parti pris dramaturgique pèche, malheureusement, par son manque de lisibilité. Le meurtre de Scarpia n’est-il que symbolique ? On pourrait le penser, puisque Tosca le tue, étrangement, à distance. Mais le sang n’en coule pas moins, et le chanteur tombe bien à terre… Jusqu’où les personnages sont-ils complices de l’analyse ? Et surtout, pourquoi Tosca s’évanouit-elle, à la fin de l’œuvre ? Est-ce le signe que la cure a fonctionné ou échoué ?

Il ne faut donc pas chercher l’œuvre de Puccini dans la mise en scène, mais dans la musique, merveilleusement servie par ses interprètes. Monica Zanettin est une Tosca d’un grand lyrisme, ne poussant jamais la voix vers la tension ou le cri, et lui donnant une belle fragilité. De son côté, Jean-François Borras se révèle un Cavaradossi remarquable, et d’une aisance vocale confondante, pour sa prise de rôle.

Servi par un baryton éclatant et un fort impact scénique, Dario Solari campe un Scarpia sombre, mais sans tomber dans le cliché du monstre. Quant aux comprimari, ils sont tous fort bien tenus, avec une mention pour le Spoletta de Grégoire Mour.

Dans la fosse, à la tête de l’Orchestre Dijon Bourgogne, Debora Waldman fait entendre Puccini dans tous ses raffinements d’instrumentation, avec des détails de textures et de couleurs, souvent sacrifiés à la recherche du drame. Ce qui n’empêche pas les envolées lyriques, mais toujours avec une lisibilité parfaite des voix et le souci de la complexité du son d’ensemble.

Ces qualités permettent que la mise en scène, et les questions qu’elle suscite, ne prennent pas le pas sur la musique, mais dialoguent toujours avec elle.

CLAIRE-MARIE CAUSSIN

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