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Théâtre et musique en symbiose dans Don Giovanni à Paris

04/12/2024
Timothée Varon (Don Giovanni). © Simon Gosselin

Athénée Théâtre Louis-Jouvet, 19 novembre

La formidable réussite de ce nouveau Don Giovanni, proposé par l’Arcal, tient, en premier lieu, à une imbrication, particulièrement forte, entre musique et théâtre. L’orchestre, disposé en groupes séparés, occupe, en effet, tout le plateau, très agrandi pour l’occasion. Au-dessus, en fond de scène, une passerelle, pouvant se fermer d’un rideau.

Ce dispositif, simple mais très efficace, permet une circulation complexe et variée du désir, comme des personnages. D’autant que les instrumentistes sont, eux-mêmes, partie prenante de l’action, confidents, porteurs de masques, au finale de l’acte I, voire, pour certains, se mêlant aux danses…

On se retrouve ainsi, dès le premier accord de l’Ouverture, attaquée avec une énergie qui ne se démentira jamais, spectateur captivé de la musique. Julien Chauvin se démultiplie, dirigeant du violon son ensemble Le  Concert de la Loge, qui n’a jamais aussi bien sonné, assurant le contact entre tous, posant soudain l’archet pour contrôler tel passage périlleux.

Jean-Yves Ruf règle un spectacle où l’on bouge beaucoup, mais sans rien d’une vaine agitation : avec si peu de moyens, quasiment aucun accessoire, mais énormément d’intelligence et d’énergie, tout le théâtre est là, dessinant personnages et situations dans leur complexité.

La distribution, française et jeune – la trentaine, en moyenne –, est valeureuse. Côté féminin, elle est dominée par Marianne Croux, incandescente Donna Anna, dont le soprano lyrique a gagné en ampleur et en rondeur. Elle tient, sans aucun problème, la tessiture élevée du rôle, notamment dans les périlleux ensembles, darde des aigus concentrés, dans « Or sai chi l’onore », et pare « Non mi dir » d’un impeccable cantabile, avant des coloratures suprêmement maîtrisées.

Donna Elvira plus monolithique, Margaux Poguet a du tempérament et un soprano corsé, aux vocalises énergiques, sinon toujours précises. Mais l’aigu est, trop souvent, donné en force – « Mi tradi » la trouve à la peine, avec maints écarts de justesse. Seule la Zerlina de Michèle Bréant ne convainc guère, voix encore un peu verte, dont le « Vedrai, carino » est assez inexpressif, malgré l’écrin serti par l’orchestre.

Contraste total avec le Masetto de Mathieu Gourlet, doté d’une basse dense et sonore, comme d’une présence physique forte. C’est l’ancrage corporel qui fait, au contraire, défaut à Abel Zamora, musicien sensible, malgré un italien maladroit. Son ténor délicat confère à Don Ottavio, en tout cas, une noblesse non dénuée d’énergie.

Le Commandeur de Nathanaël Tavernier impressionne par sa prestance et sa voix de bronze, en particulier dans sa réapparition en statue. Ce n’est pas le moindre exploit de Timothée Varon que de faire le poids dans leurs confrontations, de son baryton mordant, projeté avec arrogance.

Déjà fort convaincant, son Don Giovanni pourra encore progresser dans la justesse des aigus, et trouver davantage de ligne dans sa « Sérénade ». Excellent comédien, le baryton-basse Adrien Fournaison lui donne une réplique savoureuse, Leporello pleutre et fanfaron à souhait.

Après cette création parisienne, une tournée est en construction, pour la saison 2025-2026 ; des rendez-vous sont déjà pris, à Massy, Tourcoing et Clermont-Ferrand. Ne la manquez pas !

THIERRY GUYENNE

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