Opéras The Shell Trial déçoit à Amsterdam
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The Shell Trial déçoit à Amsterdam

29/03/2024
© Marco Borggreve

De Nationale Opera, 16 mars

The Shell Trial devait être l’événement de l’édition 2024 de l’« Opera Forward Festival » du DNO d’Amsterdam. Déception : il s’agit moins d’un opéra que d’un oratorio, dépourvu de toute dimension théâtrale, et la mise en scène, loin de corriger les carences intrinsèques de l’œuvre, les souligne plus encore.

À la base, il y a pourtant une actualité brûlante : en mai 2021, un tribunal de La Haye condamne le pétrolier Shell pour sa responsabilité dans le réchauffement climatique, et lui enjoint de réduire ses émissions de CO2 de 45 %, d’ici 2030. L’affaire, évidemment, a été considérée comme un marqueur important, et une pièce de théâtre, sur laquelle se base le livret de The Shell Trial, a remporté un vif succès aux Pays-Bas.

Voir l’opéra contemporain empoigner des thèmes qui le sont aussi, est évidemment souhaitable, mais la question climatique avait, par exemple, déjà été traitée, de façon bien plus convaincante, dans Cassandra de Bernard Foccroulle, à la Monnaie de Bruxelles, en septembre 2023 (voir O. M. n° 197 p. 60 de novembre).

Ici, le livret de Roxie Perkins ne prend pas le temps de construire des personnages de chair et de sang, mais se contente d’archétypes, qui se succèdent à la rampe pour délivrer leur discours. Autant de points de vue sur la problématique, mais sans véritables interactions : la Loi, le Gouvernement, le PDG (présenté comme un grand bourgeois en frac, au sourire constamment goguenard, comme dans les affiches des années 1930, dénonçant la grande finance internationale), le Consommateur, et ainsi de suite. Il y a parfois des ensembles, mais sans tension dramatique. L’essentiel est dans le message, asséné non sans manichéisme, plutôt que dans la dimension théâtrale.

On parlera d’ailleurs moins de mise en scène que de mise en espace, avec l’orchestre de chambre (annoncé comme constitué d’étudiants et de membres du Concertgebouw), occupant l’essentiel du plateau, et les solistes alignés sur des chaises, comme dans une version de concert.

Le moment le plus spectaculaire des quelque cent minutes (sans entracte) que dure l’œuvre, est l’apparition, pendant trente secondes, d’une charpente métallique figurant une habitation, et qui s’allume de quelques flammèches bien contrôlées. La maison brûle, et le spectateur ne peut regarder ailleurs.

Comme si la thématique climatique ne suffisait pas, les metteurs en scène, Gable Roelofsen et sa sœur Romy, alourdissent la démarche scolaire du spectacle, en y intégrant d’autres combats. D’abord, la lutte pour l’inclusion, avec un groupe de figurants non professionnels, représentatifs de catégories rejetées par la société, qui viennent silencieusement interférer avec les solistes. Mais aussi, la volonté soulignée – et, bien sûr, totalement légitime dans son intention, mais peu convaincante dans son résultat – de diminuer l’empreinte carbone de la production, en réutilisant des décors et des costumes. De quoi donner le sentiment que chacun s’est servi, au hasard, dans les réserves du théâtre.

Empruntant habilement à divers courants actuels de la musique outre-Atlantique, la partition de la compositrice américaine Ellen Reid (née en 1983) témoigne d’un métier accompli. Dirigée avec compétence par Manoj Kamps, elle est, le plus souvent, très consonante, tonale et accessible, sauf en quelques moments, où il s’agit d’évoquer, de façon plus dramatique, les changements climatiques.

On reconnaîtra, au moins, à Ellen Reid la vertu de bien écrire pour les voix, et donc de permettre aux solistes de se mettre en évidence. On retiendra, particulièrement, les prestations de la puissante soprano Lauren Michelle, dans la Loi, de l’intense contralto Jasmin White, dans l’Historienne, et de l’excellent baryton Audun Iversen, dans le PDG. Joliment écrit, aussi, le chœur d’enfants final vient napper la soirée d’une dernière couche, dégoulinante, de bons sentiments.

NICOLAS BLANMONT

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