Opéras The Seven Deadly Sins à Aalborg
Opéras

The Seven Deadly Sins à Aalborg

24/05/2025
© ONL/Ugo Ponte

Musikkens Hus, 15 mai

Moins connue que les autres collaborations de Weill et Brecht – Die Dreigroschenoper (L’Opéra de quat’sous) ou Mahagonny –, Die sieben Todsünden (Les Sept Péchés capitaux) (1933) reste pourtant fidèle aux atours qui ont fait le succès des œuvres précédentes par sa critique acerbe des bonnes mœurs (chaque péché est exposé de manière ironique) et du système capitaliste qu’accentue le caractère grinçant de la partition. On y suit le parcours de sœurs jumelles (une Anna chanteuse, l’autre danseuse), décidées à faire fortune dans sept villes des États-Unis, sous le regard de leur famille (un quatuor). L’œuvre est ici donnée en anglais. Dans sa mise en espace, Sandra Preciado aborde la tyrannie des réseaux sociaux, les protagonistes ne cessant de consulter leur smartphone, à grands renfort de mimiques grotesques alimentant d’innombrables selfies. Une manière de montrer comment le jugement social, « sans conséquences apparentes », est aujourd’hui devenu permanent.

Habituée au répertoire de la première moitié du XXe siècle (Britten, Janáček, Mahler…), Bella Adamova prête à Anna sa voix veloutée et sa diction impeccable. Elle campe avec Jess Gardolin une gémellité tour à tour limpide et lâche, qui s’articule essentiellement autour d’une toile en tulle, faisant office de miroir où s’enchaînent des vidéos, parfois en caméra portée. Dans un affrontement progressif, Anna I oppose son souci de se conformer aux attentes sociales à l’authenticité et à la liberté d’Anna II, dans une dissociation progressive et rude. Assis dans un canapé, le quatuor vocal les observe sans discontinuer, commentant les péripéties, là encore entre deux regards aguicheurs à un smartphone. Clin d’œil à notre narcissisme contemporain : la mezzo-soprano tchétchène s’autorise même un selfie avec le chef d’orchestre ! Et, au moment des saluts, elle reste dans la pénombre fascinée par l’écran de son téléphone…

L’opéra est précédé de deux œuvres pour orchestre : les Danses symphoniques de West Side Story (Bernstein) et le peu connu Harlem de Duke Ellington. Précision des attaques, clarté des pupitres : directeur musical de l’Orchestre National de Lille depuis septembre 2024, Joshua Weilerstein tire le meilleur de ce programme, en obtenant de l’Orchestre Symphonique d’Aalborg les couleurs variées qui siéent à ce programme courant du jazz au cabaret. Les nuances sont là. Un instant, son énergie le conduit à étouffer la voix dans les premiers instants de The Seven Deadly Sins, mais cet enthousiasme sonore est rapidement tempéré. Très réussie, cette production sera reprise à Lille en juillet, dans le cadre des « Nuits d’été » de l’ONL.

JEAN-MARC PROUST

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