Palais Garnier, 13 décembre
La mise en scène de Richard Jones et Antony McDonald, pour L’Enfant et les sortilèges, avait été créée au Palais Garnier, en novembre 1998, dans un couplage étonnant – et pas très convaincant – avec Der Zwerg de Zemlinsky.
Après deux reprises de ce même assemblage, en 2001 et 2013, la « fantaisie lyrique » de Ravel avait été redonnée, en janvier 2020, avec, cette fois – et de façon bien plus probante –, L’Après-midi d’un faune de Debussy, dans une nouvelle chorégraphie d’Anne Teresa De Keersmaeker. Malheureusement, les grèves autour de la réforme des retraites n’avaient permis qu’une unique représentation sur toute la série.
En cette fin d’année, le spectacle revient, une fois de plus, au Palais Garnier, formant un nouveau diptyque, uniquement ravélien, avec Ma mère l’Oye. La jolie chorégraphie de Martin Chaix – créée au printemps dernier – étant destinée aux élèves de l’École de Danse, et la distribution de L’Enfant étant confiée, essentiellement, à des artistes de l’Académie, ce sont donc les deux structures de formation de l’Opéra National de Paris qui sont mises à l’honneur. Et rassemblées, pour la première fois, en une même série de représentations – d’ailleurs proposée à prix doux, afin d’attirer un large public, notamment familial.
Si les deux univers féeriques se complètent avec bonheur, nous avons été gêné par la direction de Patrick Lange, frustrante de lourdeur et de prosaïsme – un comble pour un ouvrage aussi poétiquement inspiré que L’Enfant ! Le chef allemand, qui semble se contenter d’une mise en place scrupuleuse, manque de fluidité dans la succession d’atmosphères, et se montre tout aussi impuissant à faire chatoyer les mille couleurs de l’Orchestre National de l’Opéra de Paris.
L’autre frustration est que cette œuvre, délicate et subtile, perd beaucoup à être donnée sur une scène aussi vaste. Plus d’une fois, on regrette une projection insuffisante des voix, et partant, du beau texte de Colette.
Au lever du second rideau, par exemple, on tend vraiment l’oreille aux premières phrases de l’Enfant, pourtant incarné, avec beaucoup de crédibilité et d’énergie, par Seray Pinar. Heureusement, la jeune mezzo gagne en présence vocale, au cours du spectacle, délivrant, notamment, un émouvant « Toi, le cœur de la rose ».
Par ailleurs, on apprécie des rôles tous parfaitement distribués, en particulier chez les artistes de l’Académie ; font ainsi merveille la basse sensible d’Adrien Mathonat, en Arbre, le baryton-basse imposant d’Ihor Mostovoi, en Fauteuil, et le baryton percutant d’Andres Cascante, Horloge comtoise à l’aigu aisé, puis Chat sensuel.
Chez les femmes, on aime le joli contraste créé par les sopranos Teona Todua et Boglarka Brindas, la première apportant la lumière de son timbre à une Princesse hélas incompréhensible, la seconde faisant valoir une voix charnue, en Bergère et en Chauve-Souris.
Parmi les artistes invités, l’ancien académicien Tobias Westman reprend les trois rôles qu’il tenait déjà, en 2020 : délicat ténor léger, aux aigus faciles, mais à la projection parfois confidentielle. C’est, au contraire, l’opulence et la générosité de l’instrument qui caractérisent la mezzo Cornelia Oncioiu, redonnant, avec succès, les trois parties déjà tenues, in loco, en 2013.
Enfin, la soprano Emy Gazeilles, membre de la Troupe Lyrique de l’Opéra National de Paris, est un Feu virtuose – sauf sur les piqués –, sinon tout à fait assez déjanté.
THIERRY GUYENNE